Premier recours L’épidémie de coronavirus en dit long sur l’idée que se font nos directeurs ministériels, nos ARS et les hospitalo-universitaires, de la médecine générale. Une épidémie qui démarre avec une débauche de moyens dans un climat de fin du monde : interdiction aux libéraux de toucher le moindre malade, équipes de « cosmonautes » gantés et masqués pour neutraliser tout tousseur intempestif, mises en quarantaine lourdes et coûteuses de tous les sujets contact, médicaux y compris.
Tout cela amplifié par les médias, journalistes et réseaux sociaux trop heureux de faire le buzz et d’augmenter l’audimat : enfin un sujet qui intéresse les Français et qui peut un peu leur faire oublier les vicissitudes de la vie, Gilets jaunes, grèves, réforme des retraites et j’en passe.
On nage en plein psychodrame depuis plus d’un mois. Tout cela pour, quinze jours après, recevoir un message laconique de l’URPS (silence radio du côté de l’ARS, censée nous informer) nous révélant gentiment que c’est à nous désormais de voir les malades – au cabinet ou à domicile, à notre libre appréciation. Je m’en doutais depuis le moment où, lors d’un coup de fil au 15 au sujet d’un patient, on m’avait répondu : « on ne s’occupe plus des patients coronavirus sauf complications majeures, de toute façon il n’y a plus de tests diagnostiques. C’est au médecin généraliste de gérer. » Me voilà propulsé médecin de premier recours, tiens donc ! Ça ne vous rappelle pas quelque chose, madame Bachelot ? Nous voilà une fois de plus en première ligne avec quelques masques chirurgicaux glanés au fond des tiroirs, peut-être périmés (les masques, c’est réservé à l’hôpital), pour soigner nos patients un peu perdus dans ce foutoir, leur donner une poignée de main réconfortante (sans oublier de se laver les mains immédiatement après), baisser le masque et adresser un sourire rassurant à ces malades terrorisés. C’est cela, la médecine générale de premier recours (la vraie !).
Autrefois, nos confrères hospitaliers et nos tutelles l’avaient appris au cours de remplacements de médecine générale faits pendant leur internat (ça mettait « du beurre dans les épinards ! »). Mais de nos jours, aucun d’eux n’a mis les pieds dans un cabinet libéral, tous sont formatés par l’hôpital, sans savoir tout ce qu’on fait dans nos modestes cabinets : gestion de l’incertitude diagnostique, prévention, suivi longitudinal, éducation thérapeutique, suivi des maladies chroniques… et parfois, gestion des épidémies sans même pouvoir bénéficier de la douceur de son lit pour quelques jours d’arrêt de travail.
En conclusion, la médecine générale ne peut pas disparaître. Les patients auront toujours besoin de nous, même dans les pires moments. À nous de la défendre et de revendiquer notre rôle de premier recours. Nous nous devons d’être aux côtés de nos patients, répondre rapidement à leurs attentes même si les journées sont trop courtes, continuer de faire des visites et protéger nos malades les plus fragiles. Ce week-end, je suis de garde et je m’attends à bosser, la régulation des appels ayant enfin compris qu’on existe.
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