C'est l'histoire du chasse-neige de Montélimar. Un monstre de technologie qui ne sert jamais. Depuis 15 ans, il est dans son garage, sous sa bâche, inutilisé du fait du réchauffement climatique qui empêche la neige de tomber dans la vallée du Rhône. Tellement peu utilisé que son conducteur expérimenté est parti en retraite et n'est pas remplacé ; un technicien de maintenance spécialisé n'est donc pas embauché, les pièces de rechange ne sont pas commandées ni stockées. À quoi bon ? La neige ne tombe plus, le chasse-neige est donc relégué au fond du hangar.
Mais ce matin, patatras ! Trente centimètres de poudreuse tombée dans la nuit, à la surprise générale. Pourtant, il neigeait en Italie et Météo France avait prévenu de l’imminence de son arrivée. Branle-bas de combat : il faut démarrer le chasse-neige en urgence ! Catastrophe ! Le réservoir est vide, les pneus sont dégonflés, il n'y a pas de stock de sel, personne ne sait conduire cette machine qui n'a pas roulé depuis 15 ans. Et de toute façon, il n'y a plus de pièces pour la réparer.
Pendant 15 ans, « des décideurs ont décidé » de ne pas financer l'entretien de l'engin et de ne pas former le personnel qualifié, dans le seul but de faire des économies. Toute ressemblance avec une situation actuelle... Lits de réanimation, personnels médicaux, infirmiers, aides-soignants, agents de service, masques, gel hydroalcoolique, tenues de protection jetables. Trop cher, tout ça ! Inutile de faire des stocks, trop coûteux. Parce que la santé a un coût ! Inutile de former du personnel hautement qualifié alors que tout fonctionne à flux tendu.
Tout est bien planifié par les mêmes décideurs. On peut gérer en tirant sur la corde du personnel qui ne se mettra pas en grève, bien trop occupé, la tête dans le guidon. Mais voilà, le système explose et la corde rompt : les mêmes décideurs sont aux abois, désormais conscients du drame dont ils ont mal pris la mesure, mal évalué l'étendue. Il n'y a pas assez de lits de réanimation, pas assez de personnel, pas de matériel. Alors, bien planqués dans leurs bureaux dorés, ils envoient au front des soldats généralistes sous-équipés, avec du matériel datant de l'autre guerre (celle qu'on a évitée de justesse par chance), jamais renouvelé, prétextant une rature sur une ligne budgétaire il y a de nombreuses années.
Et puis s'ils tombent sous le feu viral, c'est par manque de respect des mesures que les décideurs leur assènent. Et enfin, récompense ultime : le peuple applaudit ces héros aux mains nues. De quoi se plaignent-ils ? Ils font la une du 20 heures tous les soirs. Que peut-il ou que va-t-il se passer désormais ? Des procès en tous genres pendant des années ? Une tête de décideur ou deux vont tomber ? Tout le système sera "remis à plat" ?
C'est pourtant simple. Les gens de terrain, ceux qui sont dans les tranchées, les vrais sachants, l’assènent depuis longtemps : formons des personnels médicaux et paramédicaux et payons-les vraiment, constituons des stocks, achetons et entretenons le matériel de pointe. Nous serons prêts pour la prochaine guerre. Peut-être que désormais la santé ne devrait avoir ni prix, ni coût. Mais n'en laissons plus la gestion à des décideurs inopérants, bien trop occupés à tenter de se faire réélire à chaque scrutin. Quelle honte ! Le reflet du miroir n'est même pas insupportable pour ces incapables.
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