La norme gynécologique

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Publié le 03/03/2023

Aurore Koechlin s’est livrée à une rude critique de la gynécologie médicale tout en prétendant dans la conclusion de l’ouvrage qu’elle ne l’accablait pas. On peut ne pas souscrire à sa prétention à l’objectivité et à un surplomb malaisant de la sociologue sur ses sujets d’observation. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour écarter d’un revers de main cet ouvrage riche en analyses qui interroge en permanence la pratique médicale. Dans ce cadre, la gynécologie ne serait pas au service de la cause des femmes. Elle impose en fait la norme gynécologique qui impose à toutes les femmes de consulter, même en l’absence de pathologie. Et « prend pour objet le corps sain tout au long de la vie », écrit l’auteure. Ce qui impose d’entrer dans la « carrière gynécologique » selon le concept inventé par l’auteure. Bref, le livre revisite la discipline. Et rappelle les nombreuses étapes de sa construction avant la conquête de son autonomie, sa quasi-disparition, la renaissance en 2002-2003 et la crise actuelle. La critique la moins convenue porte sans doute sur l’impératif de prévention véhiculée par la gynécologie. Au lieu d’être décrite comme le port étendard de la médecine pour son rôle de pionnière, la spécialité ici fait l’objet d’une déconstruction. La consultation gynécologique répond à des règles sociales. Et doit être dénaturalisée. Pourquoi remettre en cause le principe de la prévention ? Participerait-elle à tout hasard au différentiel de longévité observé entre les femmes et les hommes ? Même si l’ouvrage n’entend pas répondre à ces questions, il permet de saisir sur le vif un esprit du temps contestataire d’une pratique médicale qui s’estimait à l’abri de toute remise en cause.

Aurore Koechlin, La norme gynécologique. Ce que la médecine fait au corps des femmes, Paris, Amsterdam éditions, 2022, 320 p., ISBN : 978-2-35480-253-


Source : Décision Santé