Ni examen, ni QCM, ni usine à gaz...

La recertification périodique, simple comme bonjour ?

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Publié le 08/04/2019
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 Pr Serge Uzan

Pr Serge Uzan
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« On ne va pas retourner à la fac ! Y aura-t-il des examens ? Comment cela va-t-il se passer ? ». Introduisant la session « certification, évaluation des compétences tout au long de la vie », qui s'est tenue vendredi dernier au Congrès de médecine générale, à Paris, le Dr Marie-Hélène Certain, secrétaire générale du Collège de la médecine générale (CMG) a relayé les « craintes » du terrain.

« Pour les jeunes, la certification, c'est dans l'air du temps mais pour les médecins en exercice depuis longtemps, cela fait peur », a lancé la généraliste des Mureaux à son invité, le Pr Serge Uzan, doyen honoraire de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie et auteur d'un rapport sur la réforme de recertification. Remis début novembre à Agnès Buzyn, ce rapport propose aux professionnels d'entretenir leurs compétences tous les six ans à la faveur d'une démarche qualité « simple et attractive », adaptée à leur pratique et à leur parcours professionnel. 

Faisceau d'arguments

Devant une salle attentive, le Pr Serge Uzan a tenté de rassurer. « Ce ne sera pas des QCM, pas un examen. Mais une preuve que moi médecin, je me suis donné les moyens pour être dans une démarche vertueuse afin de mettre à jour mes compétences », répond le gynécologue du tac au tac.

Cette démarche de « certification et valorisation périodique du parcours professionnel des médecins » (dite CVP), terme préféré à celui de recertification, sera « obligatoire » pour tous les nouveaux médecins diplômés à partir de 2021, mais facultative pour les médecins actuellement en exercice. Ces derniers seront toutefois fortement encouragés à rentrer dans cette démarche « valorisante ». Le Pr Uzan a imaginé une procédure qu'il souhaite « attractive, souple, transparente » et qui permettra à « 95 % des médecins de remplir de façon quasi-automatique » les critères exigés tous les 6 ans.

Pour être certifiés, les médecins devront apporter « un faisceau d'arguments reflétant leur parcours professionnel ». Les critères ? La formation tout au long de la vie (DPC, FMC, activités de recherche, accréditation) ; une activité professionnelle « maintenue » (inscription à l'Ordre et preuve d'une poursuite de l'activité) ; une démarche d'amélioration de la relation avec le patient ; l'absence de « signaux négatifs » (condamnations, interdictions d'exercice, insuffisance professionnelle) ; et un intérêt pour la qualité de vie des médecins et la santé au travail.

Le praticien devra-t-il présenter un certificat médical tous les trois ans, comme le suggèrent certains syndicats de juniors ? « La réponse est non. Ne croyez pas que je vais vous parler de mes problèmes de prostate », lance le Pr Uzan. 

Valorisation possible

Tous ces éléments seraient répertoriés dans un e-portfolio et déposés dans un espace personnel numérique. « Les données feront l'objet d'une sécurisation et d'un suivi par le Conseil national de certification et de valorisation (CNCV, instance tiers de confiance) », ajoute le Pr Uzan.

Autre précision : le contenu, le volume, la durée, les conditions de la certification périodique seront à définir par chaque discipline représentée par les conseils nationaux professionnels (CNP) et le Collège de la médecine générale (CMG) via un cahier des charges. Le message est clair : la certification périodique sera du cousu main, spécialité par spécialité. 

Comment cette procédure sera-t-elle jugée ? « C'est la participation et non pas la réussite à ce processus vertueux des médecins qui sera pris en compte », explicite le Pr Uzan. Lorsque le praticien aura accompli sa démarche, garantie et contrôlée par le CNCV, une attestation de certification sera transmise à l'Ordre départemental.

En cas de difficulté, le médecin pourra se faire aider par l'Ordre, le conseil national professionnel (CNP) de son ressort ou les syndicats. Si l'attestation est encore refusée (non-conformité du parcours de certification), l'Ordre procédera à un examen des compétences. « Ne pas être certifié, c'est s'exposer à des conséquences », assume le Pr Uzan.

Quant à la valorisation, le Pr Uzan ne s'oppose pas à la publicité de cette certification. « La publicité n'est pas forcément commerciale ! C'est porter à la connaissance du public des choses importantes comme telle formation ou tel stage. Ensuite, peut être, il y aura une valorisation assurantielle ou de rémunération », dit-il.

La réforme n'est pas encore opérationnelle. Le projet de loi de santé (en cours d'examen au Parlement) habilitera le gouvernement à légiférer par ordonnance, sur la base des recommandations du rapport du Pr Uzan. « C'est moi qui écrit l'ordonnance... avec le ministère de la santé », assume-t-il.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin: 9739