La thrombo aspiration ne doit pas être systématique lors de la revascularisation après un infarctus

Par
Publié le 15/10/2015

Crédit photo : Phanie

« Les données étaient contradictoires en ce qui concerne le bénéfice à un an de la thrombo aspiration utilisée en routine lors de la revascularisation après un infarctus du myocarde, il nous fallait tirer les choses au claire », explique le Dr Sanjit Jolly de l’Institut de recherche sur la santé des populations de l’université McMaster, à Hamilton, au Canada. Avec ses collègues, elle vient de publier les résultats de l’essai TOTAL dans « The Lancet », la plus importante étude prospective sur ce sujet, menée dans 87 hôpitaux répartis dans 20 pays.

En France, le CHU Jean Minjoz (Besançon), le CHU Albert Michallon (Grenoble), l’Hôpital Bichat (AP-HP), l’Hôpital Lariboisière (AP-HP) et le centre Hospitalier de Pau ont apporté leur pierre à l’édifice. Les auteurs arrivent à la conclusion que la thrombo aspiration systématique ne diminue pas le risque d’incident ou de décès cardiovasculaire au bout d’un an de suivi, et qu’elle augmenterait même sensiblement le risque d’AVC.

Des études jusqu’ici contradictoires

La thrombo aspiration était censée réduire le risque d’embolisation distale après une reperfusion. En 2008, l’étude TAPAS menée sur 1071 patients montrait une amélioration du pronostic chez les patients bénéficiant de cette procédure lors d’une reperfusion myocardique, qui se traduisait par une diminution de la mortalité à un an.

En 2013, l’étude TASTE, au contraire, ne parvenait pas à montrer une amélioration de la moralité suite à une thrombo aspiration, que ce soit au bout de 30 jours, ou au bout d’un an.

Afin de trancher la question, les auteurs de l’étude TOTAL ont recruté plus de 10 000 patients admis à l’hôpital entre 2010 et 2014 pour un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST. Ces patients ont été répartis entre un groupe traité par intervention percutanée seule et un groupe traité par intervention percutanée complétée d’une thrombo aspiration.

Une augmentation de 60 % du risque d’AVC

Avec 4 % de décès et 8 % d’événements au bout de 180 jours dans les deux groupes, il n’y avait pas de différence significative en ce qui concerne le risque de décès cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde, de choc cardiogénique ou d’insuffisance cardiaque.

Si les auteurs notent une amélioration de certains critères secondaires comme l’embolisation distale, il ne sont « pas certains que ces améliorations se traduisent par un bénéfice à long terme ».

Le chiffre le plus préoccupant est celui des AVC, puisqu’un tel événement est survenu chez 60 patients du groupe bénéficiant d’une thrombectomie, soi 1,2 %, contre 36 patients du groupe traité par revascularisation seule, soit 0,7 %. Cette différence correspond à une augmentation significative du risque d’AVC de 66 %.

« La thrombectomie réalisée en routine ne réduit pas le risque cardiovasculaire à long terme, et pourrait même augmenter le risque d’AVC, estiment les auteurs, ce qui signifie que la thrombo aspiration ne doit plus être recommandée en routine dans la prise en charge de l’infarctus. »

Pour le Pr Martine Gilard, du département de Cardiologie du CHU La Cavale Blanche, s’il est évident que l’utilisation systématique de la thrombo aspiration n’est pas à recommander, cette technique ne doit pas être écartée. « Pour les patients présentant les thrombus les plus gros, ceux qui sont littéralement moulés dans le produit de contraste lors de la coronographie, la trhombo aspiration est nécessaire, car le stent seul ne rétablira pas le débit sanguin. »

Selon le Pr Girard, les études comme TASTE ou TAPAS ont poussé les jeunes cardiologues interventionnels à ne pas faire de thrombo aspiration. « Ils ont observé le retour des phénomènes de no-reflow et ont rapidement fait machine arrière », poursuit-elle.


Source : lequotidiendumedecin.fr