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L'abstraction, un art sans fin

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Publié le 29/04/2021
culture

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L'abstraction court tout au long du XXe siècle. Son acte de naissance aurait été enregistré autour des années 1910. Mais cette révolution picturale, loin de cultiver un splendide isolement, est traversée par l'histoire et les innovations technologiques. Son avènement ne serait pas seulement l'œuvre de quelques géniaux pionniers, Cézanne, Monet par exemple. Mais s'inscrit dans le temps long du XIXe siècle, depuis Goethe et son traité des couleurs publié en 1810 avec cette affirmation, chaque couleur génère une impression particulière, jusqu'à la pratique de la transe ou de l'écriture automatique. Bref, à l'encontre des mythes diffusés par les avant-gardes, l'abstraction n'aurait pas seulement été inventée lors du Salon d'automne au Grand Palais en 1912 où Kupka et Picabia exposaient leurs œuvres. Pascal Rousseau tire en revanche cinq fils qui se tissent parfois ensemble pour expliquer comment le mimétisme, l'image ont alors perdu la bataille de l'art. En premier lieu, et dans la continuité avec le cubisme s'installe le refus de l'illusion. L'influence des arts décoratifs et notamment la Sécession viennoise et leur recours aux figures géométriques ont joué un rôle moteur. Les leçons tirées des impressionnistes notamment sont à l'origine du « chromo-luministe », mouvement qui joue sur le contraste des couleurs. La musique, art total et universel, aurait exercé une influence notable. Enfin, la théosophie et son gourou Rudolph Steiner (Voir Décision & Stratégie Santé N° 324, entretien avec Laura Bossi) ont invité à communiquer avec les mondes invisibles. En témoigne Kandinsky et ses lectures sur « la physique vibratoire de la pensée et le transport téléplastique des images mentales ». Autant de courants plus ou moins élitistes qui ont afflué pour rapidement imposer l'abstraction comme la grande révolution artistique du siècle. Mais ce récit historique s'élève également contre une autre vulgate. New-York après 1945, aurait seule pris le relais de Paris dans l'invention de nouvelles formes. Arnauld Pierre, à l'encontre de ce discours, met en avant la créativité de l'Amérique Latine par exemple dans les années cinquante. Fallait-il pour autant réduire l'importance des grands maîtres américains de l'époque ? Le livre en revanche lorsqu'il évoque les années quatre-vingt à 2000 ne dissimule pas certaines impasses, fin de partie artistique sifflée par un critique. Arnauld Pierre ne partage pas ce constat. Et de citer les travaux récents d'artistes qui renouvellent un art de la mémoire de l'abstraction plutôt que d'en épuiser le filon. Les reproductions d'œuvres créées jusqu'en 2016-2017 illustrent une histoire qui n'est pas achevée. C'est l'un des grands mérites de cet ouvrage de référence de témoigner d'un mouvement toujours à l'œuvre et qui tend à l'universel…      

L'abstraction, Arnauld Pierre et Pascal Rousseau, collection l'art en mouvement. Editions Citadelles & Mazenod, 384 pages, 335 illustrations, couleur, relié en toile, sous coffret illustré, 189 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr