Je rentre dans le bloc. On m’installe et le ballet commence : poignées de protection pour le scialytique, mise en place du champ, préparation de l’opérateur, mot de réconfort de l’anesthésiste etc. « Ce peuple du bloc », je l'ai aidé pendant mes études. Je sais que j’ai affaire à des professionnels qui connaissent leur tâche et l’exécutent avec compétence, précision et passion. Ce professionnalisme rassure l’opéré que je suis. Il en sera de même tout au long de mon hospitalisation et des soins. Les patients, souvent, n’évaluent pas la chance d’être dans notre pays. D'ailleurs, associer chance et hospitalisation peut sembler être un oxymore.
Tout ce monde, du chirurgien au plus humble des intervenants, n’est pas là par hasard. Ils sont le résultat d’une chaîne qui commence dès le premier euro cotisé ou prélevé à tous ceux qui participent à la richesse et la solidarité nationale. Quand j’entends qu’il faut moins d’impôts, que la CSG et autres charges seraient illégitimes, je me pose la question de la pérennité de la réponse médicale pour tous. Je suis inquiet de cette attaque anti-charges comme si cette compétence, ce service de santé tirait son efficacité de droit divin.
J'ai essayé pendant des années avec mes amis de la CSMF, avec les collègues des autres syndicats, à trouver les arrangements équitables permettant un financement supportable de la médecine libérale. En respectant des revenus adaptés au niveau de compétence des médecins libéraux et du service rendu.
Tout ce monde que j’ai croisé, qui m’a supporté, est issu d’une formation, accessible financièrement à beaucoup, et d’un fonctionnement quotidien grâce aux efforts de tous.
Cette chaîne ne doit pas être brisée ni par la velléité de ceux qui pensent que la taxe par essence est illégitime, ni par ceux qui par leurs moyens pourraient opter d’aller se faire soigner dans des services anglo-saxons dits de pointe. La contribution de chacun à proportion de ses possibilités est indissociable de notre modèle sociétal, tout cela n’excluant pas la lutte contre les gaspillages, les soins inutiles ou autres dépenses mal orientées.
Peu avant ces événements douloureux, je croisais sur un pont de Nashville un jeune grattant sa guitare et réclamant un don pour aller à l’université. Quand je lui ai dit qu’en France l’université était quasi-gratuite, j’ai vu dans ces yeux qu’il n’y avait pas que l’Atlantique qui séparait les deux modèles de société. Veillons à garder un système qui permette à chacun dans notre pays d’avoir le meilleur soin par rapport à ses besoins de santé. Ce système doit rester supportable pour notre économie mais indissociable de la solidarité collective rétablissant l’équité entre le possédant et le gilet jaune, l’effort de chacun étant utile au service de tous. Et merci à tous les soignants qui font chaque jour leur métier du mieux qu'ils le peuvent.
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