L’arrivée du Père Noël, ses lumières, ses cadeaux, ses réunions intergénérationnelles autour du sapin et de la sempiternelle dinde, ce rituel n’est pas forcément synonyme de joie pour tous. Le blues du Père Noël est bien connu des psychiatres et des psychologues : les personnes isolées ressentent davantage leur solitude quand, ce jour-là, tout le monde est censé festoyer.
« C’est une période dramatique avec beaucoup de passages à l’acte et nous faisons alors l’objet de sollicitations accrues de la part de patients déjà fragilisés et qui s’affolent à l’idée que, nous aussi, nous allons être absents pour les fêtes », constate la psychothérapeute Sarah Sérievic, spécialisée dans le psychodrame. Trois Français sur dix vivraient même l’arrivée – ou l’absence – du Père Noël dans l’angoisse (sondage Opinion Way Ashley-Madison).
À Noël, les thérapeutes ne sont donc pas à la fête. Et les généralistes pas davantage : « Il y a déjà les personnes sujettes à la dépression saisonnière, qui connaît un pic avec les jours les plus courts de l’année, le déficit de lumière, la fatigue accumulée, observe le Dr Vincent Rébeillé-Borgella, généraliste à Lyon. Mais le syndrome du Père Noël est aggravant : il introduit dans cette ambiance asthénique une représentation de la joie, de la famille idéale, des cadeaux merveilleux et de l’espérance, une représentation qui se brise sur les situations socio-économiques difficiles, les familles séparées, les dysfonctionnements familiaux et toutes les inquiétudes du lendemain. En période de crise, le sujet du blues de Noël apparaît de plus en plus souvent pendant la consultation, alors qu’autrefois il était rarement évoqué. Comme généralistes, nous ne sommes pas que des techniciens du soin, nous devons prendre au sérieux les expressions de ces souffrances, les écouter, mettre des mots pour répondre à ces symptômes dépressifs, quitte à revoir le patient plus longuement lorsque la salle d’attente est prise d’assaut pour les grippes ou les gastros. »
Braises intérieures
« Le grand rituel festif autour du Père Noël est souvent une cérémonie obligatoire où chacun réactive les émotions qui remontent à la petite enfance, observe Sarah Sérievic, avec à la clé jalousies, rivalités et soldes de vieux non-dits. Alors, il vaut parfois mieux décliner l’invitation lorsqu’on ne se sent pas capable de dédramatiser et de jouer le rôle auquel on est astreint. Je conseille à mes patients de rallumer leurs braises intérieures, de rechercher la famille d’âme où ils se sentiront à l’aise, plutôt que d’effectuer une plongée en milieu familial mal ressentie. Mais attention, pour décliner l’invitation de Noël, il faut être en capacité de l’assumer sans complaisance, ni tristesse. »
SOS Amitié tend un filet de sécurité quand le Père Noël blues est trop fort chez les personnes isolées. Sans cinéma. Depuis l’an dernier, les étudiants de deuxième année de la faculté de Paris V-Descartes assistent à une séance d’écoute au téléphone, pour les sensibiliser au sujet. Les futurs médecins s’entraînent au chevet du Père Noël.
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