L E diabète de type 2 est fortement lié à l'adiposité puisque 80 % des patients sont obèses mais l'explication « moléculaire » de ce lien n'est pas encore trouvée. Pendant longtemps, on a cru que cette maladie, caractérisée par une résistance à l'insuline des tissus cibles périphériques (adipocyte, muscle, foie), était liée à l'obésité du fait de l'accumulation des triglycérides dans les adipocytes. La présence en excès d'acides gras libres transférés des tissus de stockage vers d'autres sites (pour des besoins énergétiques) induirait progressivement, selon cette hypothèse, une résistance à l'insuline du tissu adipeux.
Mais si tous les obèses ont des niveaux d'acides gras libres élevés, tous ne sont pas diabétiques et la résistance à l'insuline ne se manifeste pas uniquement sur les adipocytes. Au-delà de la fonction de stockage des acides gras libres, l'adipocyte sécrète un grand nombre de peptides qui pourraient aussi être impliqués dans la résistance à l'insuline (leptine, TNF-alpha, adipsine, Acrp30/adipoQ) mais, comme pour les acides gras libres, ces facteurs ne suffisent pas, à eux seuls, pour expliquer le phénomène de résistance à l'insuline. La leptine, par exemple, est présente à un taux élevé chez l'obèse et non pas déficiente, comme on pourrait s'y attendre, car un déficit congénital s'accompagne d'une obésité et d'un diabète.
A partir d'une découverte empirique
A partir du mécanisme d'action de la nouvelle classe thérapeutique des glitazones, une équipe de Philadephie vient de découvrir une hormone, la résistine. Son excès se manifeste, chez la souris, par une résistance à l'insuline, sa diminution expérimentale par un retour à une sensibilité normale à l'insuline. Comme les autres molécules de la classe, la rosiglitazone, qui a servi à l'expérience, réduit la résistance à l'insuline en se liant à un récepteur protéique abondant dans les cellules adipeuses : le PPAR-gamma (peroxisome proliferator-activated-receptor-gamma). Ce dernier guide la différenciation des adipocytes et affecte la sensibilité à l'insuline par des mécanismes inconnus, probablement médiés par la modification de l'expression d'un gène dans les adipocytes.
Pour Claire Steffan qui publie ses travaux dans « Nature », les glitazones agiraient sur le récepteur PPAR-gamma comme un interrupteur qui activerait ou inhiberait un gène de l'adipocyte, responsable de la résistance à l'insuline. En partant de cette hypothèse, les chercheurs ont sélectionné les gènes qui s'expriment durant la différenciation des adipocytes et qui sont inhibés par les glitazones dans les adipocytes matures. Une protéine, nommée résistine, est apparue correspondre parfaitement à cette cible : le gène de la résistine est considérablement inhibé par les glitazones (alors que celui du PPAR-gamma est renforcé) et il s'exprime pendant la phase de maturation adipocytaire. Chez la souris, l'expression de ce gène est préférentiellement retrouvée dans la graisse blanche alors qu'il est pratiquement absent de la graisse brune.
La résistine, libérée par les adipocytes, a été retrouvée dans le sérum des animaux à des taux variables en fonction des apports alimentaires : très abaissée après un jeûne de 48 heures, elle augmente à nouveau dès que l'animal est nourri. En cas d'obésité induite par un régime riche en lipides durant huit semaines, la résistine s'élève à la quatrième semaine, de façon concomitante avec la survenue de la résistance à l'insuline et de l'obésité. Dans les cas d'obésités et de diabètes génétiques (souris ob/ob ou db/db), les taux de résistine sont aussi majorés.
Résistine recombinante et anticorps antirésistine
Pour valider leur découverte, les chercheurs ont administré des anticorps antirésistine à des modèles de souris avec une obésité induite, une résistance à l'insuline et une hyperglycémie. La neutralisation de la résistine a abaissé significativement la glycémie des animaux et a amélioré les réponses aux tests de tolérance au glucose. A l'inverse, les essais d'administration de résistine recombinante ont altéré la tolérance au glucose et l'effet de l'insuline : dans les expériences menées par injection intrapéritonéale chez l'animal à jeûn, puis douze heures plus tard, le pic de glycémie après test de tolérance était augmenté de 28 %, les taux d'insuline étaient aussi augmentés. Le fait que la sécrétion d'insuline ne soit pas abaissée après administration de résistine prouve que l'intolérance au glucose est véritablement due à une résistance à l'insuline et non pas à un défaut de production ou de sécrétion d'insuline.
La résistine est par conséquent un bon candidat pour expliquer à la fois l'effet des glitazones et le processus qui mène de l'excès d'adiposité à la résistance à l'insuline. Les effets de l'administration et de la neutralisation de la résistine sont en faveur d'un effet non seulement sur les adipocytes mais aussi sur le muscle. Des spéculations sont possibles sur un effet hépatique, neurologique, voire d'autres fonctions.
Si la régulation et les propriétés de la résistine humaine sont similaires à celles de la souris, on peut imaginer des traitements capables de limiter les taux sanguins de résistine, de contrer ses effets biologiques ou de bloquer directement ses récepteurs cellulaires (qu'il reste à découvrir).
C. Steppan et coll. « Nature », vol. 409, 18 janvier 2001, pp. 307-311 et J. Flier, pp. 292-293.
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