Le recensement des patients atteints de pancréatite chronique héréditaire en France a permis de préciser l’histoire naturelle de la maladie. Parmi les notions à retenir, celle d’un retard diagnostique important par rapport à l’apparition des symptômes. Face à un enfant se plaignant de douleurs abdominales chroniques, il faut savoir évoquer le pancréas.
SELON une enquête exhaustive réalisée en France (1), près de 200 personnes, appartenant à 78 familles, sont aujourd’hui atteintes de pancréatite chronique héréditaire sur le territoire. Cette cohorte regroupe les personnes ayant une mutation du gène PRSS1, et les patients symptomatiques pour lesquels au moins deux apparentés au premier degré, ou trois apparentés au second degré, eux aussi malades, ont pu être identifiés. L’analyse de l’histoire de ces personnes appelle plusieurs constats.
En premier lieu, bien que des mutations dominantes du gène PRSS1 soient mises en cause dans la pancréatite chronique héréditaire, la pénétrance du gène est incomplète : 17 % des personnes présentant une mutation de ce gène sont en effet asymptomatiques. Mutation n’équivaut donc pas à maladie.
En second lieu, le parcours des malades est généralement marqué par un retard diagnostique important. Alors que l’âge médian d’apparition des premiers symptômes est de 10 ans, avec des extrêmes à 1 et 73 ans, un délai moyen de neuf ans est constaté avant qu’un diagnostic ne soit posé.
A évoquer chez l’enfant.
Un tel retard se conçoit pour une maladie rare, et lorsque le patient ignore ses antécédents familiaux. Il reste que chez un enfant se plaignant de douleurs abdominales chroniques, en l’absence de traumatisme, il faut, selon le Pr Philippe Lévy (hôpital Beaujon, Clichy), « savoir évoquer le pancréas et rechercher des antécédents pancréatiques dans la famille» . Il faut ensuite penser au gène PRSS1, ainsi qu’au gène CFTR. « Dans notre expérience de l’hôpital Beaujon», précise le Pr Lévy, « de 30 à 50% des pancréatites idiopathiques survenant chez des adultes jeunes, conduisent à la découverte de formes mineures de mucoviscidose». Enfin, le recours à l’IRM pancréatique, qui donne de très bonnes images canalaires, permet d’affirmer le diagnostic. La procédure est donc relativement lourde. Mais, le cas échéant, il est important que les médecins, et notamment les pédiatres, peu accoutumés à l’affection, pensent au pancréas. Car, comme l’indique le Pr Lévy, « outre leur maladie, bon nombre d’enfants se sont fait rembarrer par leurs parents durant des années pour des maux de ventre prétendument imaginaires».
Dernier aspect : les manifestations de la pancréatite chronique héréditaire. Elles ne sont en fait pas très différentes de celles de la pancréatite chronique alcoolique, exceptées les fréquences moindres de la cholestase et de l’insuffisance pancréatique.
Parmi ces manifestations, des douleurs pancréatiques sont notées dans 83 % des cas (continues dans 5 % des cas), une pancréatite aiguë dans 69 % des cas, un pseudokyste dans 23 % des cas, une cholestase dans 3 % des cas, des calcifications pancréatiques dans 61 % des cas, une stéatorrhée dans 34 % des cas, un diabète dans 26 % des cas, et un adénocarcinome dans 5 % des cas. Ces manifestations apparaissent de manière étalée au cours de l’existence : 23 ans en moyenne pour les calcifications pancréatiques, 29 ans pour la stéatorrhée, 38 ans pour le diabète, 55 ans pour l’adénocarcinome. On note encore que ces données cliniques sont indépendantes du statut génétique des patients.
Un traitement antalgique de plus de trois mois s’est révélé nécessaire chez 10 % des patients, un traitement endoscopique chez 16 %, et une intervention chirurgicale chez 23 % (par ordre de fréquence : dérivations pancréatiques, splénopancréatectomies caudales, dérivations de pseudokystes, duodénopancréatectomies céphaliques).
Enfin, le nombre total de décès dans la cohorte se monte à 19, dont 10 sont imputables à la pancréatite chronique héréditaire.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Lévy (hôpital Beaujon, Clichy)
(1)V. Rebours (Clichy), M.-C. Boutron-Ruault (Villejuif), C. Férec (Brest), M. Schnee (La Roche-sur-Yon), F. Maire (Clichy), P. Hammel (Clichy), P. Ruszniewski (Clichy), P. Lévy (Clichy), Association des pancréatites chroniques héréditaires.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature