Avertis sur Twitter, les plus curieux de ses 3 400 followers – des confrères pour la plupart – viennent chaque semaine gonfler encore le nombre de « pages vues » du blog, plus de 500 000 aujourd’hui. Il reçoit beaucoup de mercis, souvent quelques questions. Parfois un essai clinique ou une reco donne lieu à discussion sur Twitter.

Fan comme son pseudonyme l'indique des bonbons Dragibus de Haribo, le médecin geek serait-il resté cet enfant qui dès ses dix ans rêvait de devenir généraliste, comme son oncle ? Une chose est sûre, il a conservé de cette période d'insouciance une curiosité à toute épreuve.

« On a longtemps mis les bébés sur le ventre, aujourd’hui c’est sur le dos », rappelle le chef de clinique, comme pour mieux expliquer que la science médicale est en éternel mouvement. Aujourd’hui, ce sont les recos du diabète de type 2 qui devraient selon lui s’adapter. Les sulfamides hypoglycémiants, sans effet clinique démontré, restent indiqués en deuxième ligne pour cette pathologie. « Ils augmentent pourtant la mortalité », s’alarme l’omnipraticien. D’autres molécules à l’efficacité prouvée ne sont recommandées qu’en troisième ligne. L'esprit scientifique du Dr Agibus met parfois à mal son patriotisme : il préférera suivre les recos américaines plutôt que françaises lorsqu’elles sont moins à la traîne. « Mais c’est aussi parfois l’inverse », jure-t-il.

Internet, une aubaine pour échanger avec ses pairs

Sur Twitter où il est inscrit depuis 2012, il suit donc les comptes des publications médicales (Nature, Plus, Cochrane, BMJ, Lancet, Nejm, JAMA...), des principales instances sanitaires (ANSM, HAS, CMG...) mais aussi de beaucoup de confrères, parce que l’échange avec les pairs est pour lui essentiel. Et l’ère d’Internet est une aubaine. Il a aujourd’hui publié 15 000 tweets et a souvent recours au hashtag #doctoctoc, qui sert à interpeller ses confrères sur un problème médical.

La méthode peut mettre au grand jour des dissonances entre médecins… pas forcément négatives. « Les avis divergents amènent à pousser l’investigation », constate le jeune praticien. Lequel salue la dynamique des réseaux sociaux et des groupes de pairs qui permettent de ne jamais cesser de se poser des questions. Car selon lui, la sagesse commande au médecin de ne pas se reposer sur son « savoir » et de « savoir qu’on ne sait pas ».

No fakemed

Ces derniers mois, le Dr Agibus a pris une part active aux débats sur le déremboursement de l’homéopathie. Et si en tant que chef de clinique il a refusé de figurer parmi les 124 signataires de la tribune anti « fakemed », l’amoureux des sciences « croit en une médecine basée sur les preuves ». Le praticien s’attache plutôt à retirer les médicaments « inutiles », à la faveur des molécules « vraiment efficaces ». « À propos de l’homéopathie, l’enjeu n’est pas de savoir si le patient se sent mieux avec, mais de se demander si en l’absence de toute preuve au-delà de l’effet placebo, elle doit être prise en charge par la solidarité nationale. » Le Dr Agibus n'est en revanche pas opposé à toutes les approches thérapeutiques non conventionnelles. Il pointe certains effets démontrés de l’ostéopathie pour les femmes enceintes lombalgiques, notamment.

« Psychothérapies de généralistes »

Comme beaucoup de médecins de sa génération, le chef de clinique est équipé d’une multitude d’appareils, il pratique des ECG, des spirométries et se forme à la dermatoscopie. Mais en dépit de cette appétence pour les nouvelles technologies, le généraliste consacre toute son importance à l'écoute active du patient. « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours » : le Dr Agibus a fait sienne cette devise de Louis Pasteur. Il est persuadé que l'humain aura toujours le dernier mot sur la machine pour établir le « diagnostic de situation ». « Un malade peut avoir un diabète, mais aussi des difficultés financières et des problèmes psys liés à une séparation. Un rhume ou une lombalgie naissent souvent lors d’une fatigue mentale. » Le Dr Agibus croit en cette « psychothérapie de généralistes ». « On montre au patient qu’on est présent, et on va éventuellement plus loin si on est formé aux thérapies comportementalistes », conclut-il.