Le grand témoin

Le Pr Michel Galinier : l'insuffisance cardiaque est l'évènement cardiovasculaire le plus fréquent chez les diabétiques de type II, avant l'infarctus du myocarde et la principale cause de décès de ces patients

Par
Publié le 04/04/2017
M. Galinier

M. Galinier
Crédit photo : DR

Les liens épidémiologiques entre diabète et insuffisance cardiaque sont pourtant connus de longue date, l’étude de Framingham ayant révélé que l’incidence de l’insuffisance cardiaque, après ajustement sur l’âge, l’HTA, l’obésité, les dyslipidémies et la coronaropathie, étaient multipliés par 2,4 chez les hommes et par 5 chez les femmes diabétiques (1). Données confirmées par la cohorte Kaiser Permanent Northwest (2) et l’étude de Reykjavik (3) où l’incidence de l’insuffisance cardiaque est multipliée respectivement par 2,5 et 2,8 chez les diabétiques. Ce risque d’insuffisance cardiaque est en grande partie relié à l’hyperglycémie, comme le souligne l’étude UKPDS où une augmentation de 1 % de HbA1c est associée à une majoration de 16 % de l’insuffisance cardiaque. Ainsi, l’insuffisance cardiaque est fréquente chez les patients diabétiques âgés, sa prévalence étant de 22,3 % chez les 151 738 diabétiques de plus de 65 ans de la cohorte Medicare (4). Parallèlement, un diabète est fréquemment retrouvé au cours de l’insuffisance cardiaque chronique qu’elle soit à fraction d’éjection réduite (ICFEr) ou réservée (ICFEp), la prévalence du diabète au cours des essais thérapeutiques et des études de cohorte variant de 24 à 48 % dans l’ICFEr et de 30 à 43 % dans l’ICFEp. Ainsi, dans l’étude PARADIGM (5), 35 % des patients ont un diabète connu, 13 % ont un diabète méconnu (hémoglobine à HbA1c strictement supérieur à 6,5 %) et 26 % sont prédiabétiques (hémoglobine à HbA1c entre 6 et 6,4 %).

Un pronostic plus péjoratif

L’existence d’un diabète assombrie le pronostic au cours des deux types d’insuffisance cardiaque, mais sa valeur pronostique est plus marquée dans l’ICFEp comme l’a montré le programme CHARM (6). Quant à l’intolérance au glucose, sa prévalence est de 12 % dans l’ICFEr comme dans l’ICFEp et sa valeur pronostique similaire à celle du diabète (7). Au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë, la prévalence d’un diabète connu est de 39,8 % et celle de l’hyperglycémie à jeun > à 1,26 g/l ou de la découverte d’une HbA1c ≥ 6,5 % est de 9,6 % (8). Par rapport aux patients non diabétiques, le diabète augmente de manière indépendante de 77 % la mortalité hospitalière, de 16 % la mortalité à un an et de 32 % les réhospitalisations à 1 an (8). De plus, une glycémie élevée est un prédicteur indépendant de mortalité à un mois après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë autant dans l’ICFEr que dans l’ICFEp (9).

Une origine polyfactorielle

L’origine de l’insuffisance cardiaque au cours du diabète est polyfactorielle. Si la cardiomyopathie diabétique en fait l’originalité, bien que sa physiopathologie soit complexe et mal élucidée, l’HTA et la maladie coronarienne, associée souvent à une insuffisance rénale, sont le plus souvent en cause. Ainsi, le dépistage de l’ischémie silencieuse et d’une dysfonction ventriculaire gauche loin de s’exclure se complètent. La haute prévalence des dysfonctions ventriculaires gauches diastoliques retrouvées chez 40 à 50 % des patients, et systoliques rencontrées chez 25 à 43 % des sujets (10), explique que les diabétiques peuvent développer une insuffisance cardiaque à l’occasion d’une altération surajoutée de la fonction myocardique, comme peut l’entraîner la maladie coronarienne, ou d’une rétention hydrosodée modérée. Reste à déterminer les modalités optimales de ce dépistage biologique, à l’aide notamment des peptides natriurétiques de type B, ou échocardiographique et ses conséquences thérapeutiques.

Fédération de cardiologie, CHU Toulouse Rangueil
(1)Am J Cardiol 1974;34:29-34
(2) Diabetes Care 2004;27:1879-84
(3) Diabetes Care 2005;28:353-60
(4) Diabetes Care 2004;27:699-703
(5) Circ Heart J 2016;9:e002560
(6) Eur Heart J 2008;29:1377-85
(7) Eur J Heart Fail 2014;16:1190-8
(8) Eur J Heart Fail 2017;19: 54-65
(9) J Am Coll Cardiol 2013;61:820-9
(10) J Am Soc Echocardiogr 2014;27:489-92

Pr Michel Galinier

Source : lequotidiendumedecin.fr