Onze spécialités, vingt-huit villes

L’embarras du choix des nouveaux internes

Publié le 18/09/2006
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C’EST DANS LA SALLE d’un grand complexe de Lognes, près de Marne-la-Vallée, que 4 494 étudiants reçus aux épreuves classantes nationales (ECN) vont choisir leur spécialité d’internat et leur ville d’affectation.

Jusqu’au 27 septembre, ils vont s’avancer l’un après l’autre à l’appel de leur nom devant un immense écran. Après quelques secondes de réflexion, ils sélectionneront un poste disponible. Un choix évident pour certains étudiants confortés par six années d’études et l’expérience acquise en stage. Un crève-coeur pour la majorité qui n’arrive pas à se décider entre les onze spécialités et les vingt-huit villes-faculté. Jeudi et vendredi, les 1 000 premiers étudiants classés ont tranché parmi les 4 760 postes ouverts par le ministère de la Santé.

Sous les applaudissements de l’assemblée, Pierre, 100e aux épreuves classantes nationales (ECN), a opté pour la médecine générale. «Je passe pour un extraterrestre, un marginal, mais j’ai beaucoup réfléchi, explique ce Lyonnais de 26 ans. En voyant mon classement, des copains m’ont appelé pour savoir ce que j’allais faire. Ils n’ont pas compris pourquoi je voulais me tourner vers la médecine générale alors que les portes de toutes les autres spécialités m’étaient ouvertes. Pour eux, la médecine générale est un non-choix, une voie de garage.»

Les clichés ont la vie dure et la nouvelle spécialité est toujours mal considérée par la communauté médicale. «Pendant leur sixième année d’études, les étudiants se disent: “Si je réussis je fais telle spécialité, sinon je fais médecine gé” », souligne Pierre. Malgré l’inconsciente pression de son entourage, lui n’a pas hésité : «Je n’ai pas fait de stage en cabinet et je ne connais pas grand-chose du métier de généraliste, mais je voulais être le premier recours de mes patients et ne pas m’enfermer dans une spécialité.»

Vocation, hasard ou amour.

Julie et Estelle ont un peu tergiversé. Etudiantes à la Pitié-Salpêtrière, elles n’avaient pas «d’idée fixe» sur ce qu’elles voulaient faire après les ECN. Leur classement, autour de la 300 e place, leur laissait toutes les portes ouvertes. Quelques coups de fil à des amis internes et à un pédiatre libéral ont suffi à convaincre Julie. «La pédiatrie n’est pas centrée sur une pathologie et puis j’aime les enfants», indique la jeune femme. Estelle a préféré la psychiatrie, mais elle se réfugie derrière le «droit au remords», possibilité offerte aux étudiants de changer de spécialité dans un délai de deux ans, si d’aventure elle était assaillie de regrets. Certains étudiants, comme Louis, se sont décidés à la dernière seconde : «Je voulais faire une spécialité médicale, la radiologie, mais j’ai eu peur de rester toutes mes journées devant un écran à interpréter des clichés, alors j’ai finalement choisi la chirurgie pour faire de l’ophtalmologie, une spécialité tranquille, sans gardes...»

D’autres critères ont parfois prévalu au choix des futurs médecins. Audrey et Luc se sont laissés guider par leur coeur. Les tourtereaux montpelliérains ont décidé de rester dans le même nid. «L’été fut particulièrement stressant, confie Audrey . Nous avons constamment regardé les simulations d’affectation sur Internet pour voir comment nous pourrions rester ensemble avec nos classements. Nous sommes virtuellement partis à Besançon, à Dijon, à Saint-Etienne, à Clermont-Ferrand... C’est seulement quelques minutes avant que je ne sois appelée au micro que Luc m’a dit qu’il était d’accord pour aller à Marseille.» Audrey effectuera donc sa rentrée en spécialités médicales dans la cité phocéenne. Classé après la 2 100e place, Luc demandera mercredi un poste de médecine générale. Certains couples n’ont pas connu le même bonheur. Ayant appris que son petit ami n’avait pu prendre un poste dans la même ville qu’elle, une jeune femme a fondu en larmes en quittant la salle.

Le choix des 1 000 premiers internes
DISCIPLINES TOTAL DU NOMBRE DE POSTES NOMBRE DE POSTES POURVUS
Spécialités médicales 760 507
Spécialités chirurgicales 550 188
Médecine générale 2 353 48
Anesthésie-réanimation 243 67
Biologie médicale 58 13
Gynécologie médicale 20 1
Gynécologie-obstétrique 150 45
Médecine du travail 60 1
Pédiatrie 196 75
Psychiatrie 300 34
Santé publique 70 1
Au total, 980 postes d’internat sur les 4 760 ouverts par le ministère de la Santé avaient été pourvusvendredi soir. A noter que 20 étudiants du Service de santé des armées (SSA) classés dansles 1 000 premières classes aux épreuves classantes nationales (ECN) ont choisi une spécialitéparmi les postes qui leur sont spécialement réservés.
> CHRISTOPHE GATTUSO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8011