« Alors qu’on tend de plus en plus à transformer les médecins en fonctionnaires, il n’est pas sans intérêt de rappeler aujourd’hui que les lois impériales de Rome exemptaient les principaux d’entre eux de toute charge publique. On ne pouvait les forcer d’être membres du Conseil, ni d’exercer les magistratures municipales. S’ils devenaient sénateurs de Rome ou de Constantinople, ils jouissaient des honneurs et des prérogatives attachés à leur place, sans en remplir en réalité les fonctions et sans en supporter les charges.
C’est à Auguste qu’ils devaient ces privilèges, confirmés d’ailleurs par plusieurs des successeurs de ce dernier. Constantin lui-même fit paraître à ce sujet des édits qui sont parvenus jusqu’à nous. On sait que l’empereur Julien, qui haïssait Constantin, se plaisait à modifier en sens contraire la plupart des ordonnances de ce prince. Bien qu’il fût l’ennemi de toutes les exemptions en général, cet empereur philosophe continua de donner aux médecins les privilèges qui leur avaient été accordés sous les règnes précédents.
Nous trouvons, dans un recueil de ses écrits, deux lettres qui montraient l’intérêt que portait aux médecins Julien l’Apostat :
“Les avantages que la médecine nous procure tous les jours sont la preuve décisive de son excellence et de son utilité. C’est cet art salutaire qui soutient la faiblesse de notre nature et nous délivre de toutes nos infirmités avec tant de succès que les philosophes ont raison de publier qu’il est descendu du ciel. À ces causes, par esprit de justice, par amour pour les hommes et conformément aux ordonnances de nos prédécesseurs, nous voulons qu’à l’avenir vous soyez exemptés des fonctions de sénateur et des charges attachées à cette place, sans qu’il soit permis de vous inquiéter à ce sujet. Donné à Constantinople, le quatrième des ides de mai, sous le consulat de Mammertin et de Nevitta. ”
La seconde lettre est adressée à Zénon, auxquels plusieurs manuscrits donnent le titre d’archiatre, lequel, comme on sait, appartenait aux médecins de l’empereur et à ceux qui exerçaient la médecine à Rome et à Constantinople.
“ Nous avions déjà plusieurs preuves de votre mérite et nous savions qu’avec une parfaite connaissance de la médecine, vous possédez les qualités qui rendent l’homme aimable et l’homme vertueux. Le témoignage de la ville d’Alexandrie met le sceau à votre réputation. Elle soupire après votre retour et la vivacité de ses regrets prouve à quel point vous avez su mériter son estime et sa confiance (Zénon avait été banni sur l’ordre de George de Cappadoce, évêque arien d’Alexandrie). Il ne faut point s’en étonner : un savant médecin vaut à lui seul plusieurs hommes, dit judicieusement Homère ; et vous n’êtes pas seulement un médecin, mais l’oracle de tous ceux qui s’appliquent à la médecine. Vous êtes pour eux ce qu’ils sont pour le reste du genre humain. C’est ce qui m’oblige de vous accorder votre retour avec une distinction marquée. Si la faction de George vous a fait sortir injustement de la ville, la justice elle-même vous y rappelle. Retournez-y donc avec honneur et rentrez dans tous vos droits. Qu’Alexandrie me rende gré de ce que je lui rende Zénon et Zénon de ce que je lui rends Alexandrie. ”
Nous avons pensé que ces deux lettres pourraient intéresser les lecteurs de la “ Chronique ”, et qu’ils goûteraient à les lire le plaisir que nous avons toujours nous-même à constater les sentiments d’estime et de considération, par les grands comme par les humbles, à ceux de notre profession qui – hélas ! – semblent ne devoir plus guère compter sur ces marques de sympathie ; trop heureux encore quand des espèces monnayées les viennent honorer pour leurs peines. »
(Dr A. Lebeaupin, Moisdon-la-Rivière, in “ La Chronique médicale”, juin 1913)
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