Tout aussi efficaces que les neuroleptiques classiques sur les symptômes productifs de la schizophrénie, tels que les délires, les hallucinations et la désorganisation, les antipsychotiques atypiques (AA) sont maintenant prescrits en première intention. Et si leur supériorité globale n'est pas affirmée dans les études en raison d'outils d'évaluation, qui cernent mieux les phénomènes hallucinatoires et délirants que la symptomatologie complexe de la schizophrénie, à y regarder de plus près dans les études et dans la pratique, on constate que leur efficacité est supérieure contre les symptômes négatifs, en particulier suicidaires et dépressifs. En témoigne la diminution du nombre de suicides lors de la sortie d'hospitalisation chez les schizophrènes traités par AA par rapport à ceux traités par neuroleptiques classiques. Le risque suicidaire des schizophrènes est nettement mieux maîtrisé aujourd'hui, ce que le savoir-faire psychiatrique ne pourrait obtenir seul sans le soutien pharmacologique.
Les nouveaux antipsychotiques ont des effets positifs sur d'autres symptômes, en particulier déficitaires, que les neuroleptiques classiques majoraient, comme l'apragmatisme, l'indifférence au monde environnant et l'émoussement émotionnel. Cela donne de meilleures capacités de réinsertion sociale, aspect d'autant plus essentiel que les patients atteints de schizophrénie vivent désormais dans leur environnement naturel et non plus derrière les murs d'un asile. Par ailleurs, alors que les neuroleptiques classiques participent à la détérioration globale des capacités intellectuelles au cours de l'évolution de la schizophrénie, les nouvelles molécules n'ont pas d'effets nuisibles sur la cognition, et présentent même des effets bénéfiques sur les facultés d'attention, de mémoire et de concentration, susceptibles par exemple de permettre aux jeunes patients de poursuivre leurs études.
Tolérance neurologique
C'est sans conteste au niveau neurologique que d'énormes progrès de tolérance ont été accomplis avec les nouveaux antipsychotiques. L'effet parkinsonisant des neuroleptiques classiques, qui a fait s'interroger à juste titre sur le caractère presque plus stigmatisant du traitement que de la maladie elle-même, est infiniment moindre avec la nouvelle classe de neuroleptiques, quasi dépourvue d'effets extrapyramidaux.
L'ajustement posologique n'est plus un problème avec les nouvelles molécules, alors qu'auparavant c'était un obstacle énorme, presque décourageant, dans le cas de certains patients qui toléraient mal le traitement et rechutaient avec une dose moindre sans qu'on puisse trouver le juste milieu. Cela explique que l'on mène encore des études pour tenter de définir la posologie optimale d'un médicament comme l'halopéridol.
Spécificités pharmacologiques
L'arrivée des AA a également bousculé la recherche et le présupposé pharmacologique, concrétisé par le concept américain d'« équivalent chlorpromazine », selon lequel un neuroleptique serait équivalent à un autre, tout n'étant alors question que de conversion de mg.
Les neuroleptiques ne sont équivalents ni sur le plan pharmacologique ni sur le plan thérapeutique, tout comme un antibiotique n'est pas équivalent à un autre antibiotique. L'abandon récent de la notion d'équivalent chlorpromazine a ouvert la voie à des études comparant les molécules neuroleptiques tant sur le plan biologique que thérapeutique.
A ce titre, l'aripiprazole (Abilify), lauréat du prix Galien en 2006, présente une originalité pharmacologique en tant qu'agoniste partiel dopaminergique. Jusque-là, on disposait de molécules antidopaminergiques (sans parler des effets sur les autres neuromédiateurs tels que la sérotonine, l'acétylcholine, la noradrénaline, l'histamine) ayant certains effets hormonaux par une élévation de la sécrétion de prolactine. L'aripiprazole démontre que l'activité antipsychotique n'est pas nécessairement sédative.
Et l'observance ?
Quant à l'observance, souvent aléatoire et classiquement problématique chez des patients atteints de schizophrénie, on peut déplorer qu'elle ne semble pas significativement améliorée selon les informations fournies par certains essais cliniques sur les AA. Cependant, la pratique quotidienne est beaucoup plus encourageante, à mesure que les patients moins effrayés par les médicaments psychiatriques et leurs effets indésirables acceptent mieux la nécessité du traitement. Cela laisse espérer que cette question toujours en suspens sera éclaircie heureusement dans les études en cours.
Le Pr Schwartz : des cibles moléculaires aux médicaments innovants
En 2001, le jury du prix Galien décidait de récompenser le Pr Jean-Charles Schwartz et ses collaborateurs de l'IFR Broca/Sainte-Anne pour leurs travaux de recherche centrés sur l'identification de cibles moléculaires et leur utilisation comme outils pharmacologiques permettant le développement de médicaments innovants.
Les recherches du Pr Schwartz, spécialiste de la pharmacologie des médiateurs chimiques du cerveau, ont permis la mise au point de nouvelles classes de molécules destinées au traitement de pathologies neuropsychiatriques, mais aussi à celui de troubles digestifs ou encore cardio-vasculaires.
Ses travaux sur les fonctions cérébrales de l'histamine et de la dopamine l'ont conduit à la découverte du récepteur H3 de l'histamine, de deux isoformes du récepteur D2 de la dopamine et du récepteur D3. Le Pr Schwartz et son équipe ont en outre identifié des ligands sélectifs pour chacun de ses récepteurs, permettant notamment la mise au point de nouveaux antihistaminiques et celui de dopaminergiques potentiellement utiles dans le traitement de la dépendance aux drogues.
Le Pr Jean-Charles Schwartz a en outre créé le concept de « neuropeptidases d'inactivation » en identifiant les enzymes responsables de l'inactivation des enképhalines et de la cholécystokinine. Avec les Prs Roques et Costentin, il a développé les premiers inhibiteurs sélectifs de ces enzymes. L'un d'entre eux est désormais couramment utilisé en gastro-entérologie pour ses propriétés antisécrétoires : l'antidiarrhéique Tiorfan.
En collaboration avec Pierre et Lucette Duhamel, Jean-Charles Schwartz a également mis au point le premier inhibiteur de la vasopeptidase, le fasidotril, en cours d'essais cliniques dans l'hypertension artérielle et l'insuffisance cardiaque.
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