Troubles psychocomportementaux du sujet dément

Les antipsychotiques, une prescription sous surveillance

Publié le 17/12/2015
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Distincts des troubles cognitifs et neurologiques, les symptômes psychologiques et comportementaux de la démence (SPCD) associent symptômes psychotiques et troubles du comportement jugés par l’entourage comme dérangeants, perturbateurs, dangereux, que ce soit pour le patient ou pour autrui. Les plus fréquents sont l’opposition, l’agitation, l’agressivité, physique ou verbale, la déambulation inadaptée, la désinhibition, les cris, plaintes ou demandes répétitives, et les symptômes psychotiques, idées délirantes et/ou hallucinations. Jusqu’à 90 % des patients atteints de maladie d’Alzheimer présenteront au moins un de ces symptômes.

La prise en charge des SPCD repose sur une approche globale, qui doit privilégier les interventions non médicamenteuses, qu’il s’agisse des attitudes soignantes et relationnelles personnalisées et adaptées au type de comportement, ou des thérapies structurées applicables à des groupes de patients.

Sur le plan pharmacologique, en dehors des traitements ayant une AMM dans la maladie d’Alzheimer, un traitement médicamenteux par psychotrope peut être envisagé si les SPCD sont fréquents et/ou sévères, mais surtout s’ils peuvent être à court terme un facteur d’aggravation fonctionnelle, de souffrance significative pour le patient et l’entourage, et de désadaptation à son environnement. En pratique, beaucoup de patients ont une prescription d’antipsychotique (1), même si à ce jour, seule la rispéridone bénéficie d’une AMM dans le « traitement de courte durée (jusqu’à 6 semaines) de l’agressivité persistante chez les patients présentant une démence d’Alzheimer modérée à sévère ne répondant pas aux approches non-pharmacologiques et lorsqu’il existe un risque de préjudice pour le patient lui-même ou les autres ». Si on se réfère aux RCP, une posologie initiale de 0,25 mg deux fois par jour est recommandée, la posologie optimale se situant entre de 0,5 et 1 mg deux fois par jour. Même si les autres antipsychotiques atypiques n’ont pas d’AMM dans cette indication, la HAS a conclu qu’ils pouvaient, toujours à des posologies très inférieures à celles utilisées chez l’adulte plus jeune, être utilisés pour traiter les symptômes psychotiques, l’agitation et l’agressivité si celles-ci sont sous-tendues par un processus délirant (2).

Courte durée chez les patients Alzheimer

En termes de tolérance, les antipsychotiques peuvent générer des effets neurologiques extrapyramidaux, plus fréquents chez la personne âgée, comme l’akathisie, le syndrome parkinsonien et les dyskinésies tardives, effets susceptibles d’augmenter le risque de chutes et de fausses routes alimentaires. Le risque de sédation excessive et d’hypotension orthostatique est aussi à prendre en compte. Pour les antipsychotiques atypiques, il faut également évaluer préalablement la présence de troubles du rythme et de la conduction cardiaque, car certains d’entre eux ont été associés à une augmentation de l’espace QT.

Enfin, la prescription d’antipsychotique chez les sujets âgés déments est associée à une surmortalité, en particulier par augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Ainsi, pour les atypiques, l’incidence des AVC a été estimée 2,13 fois supérieure comparée au placebo (3). Au sein de l’agence européenne des médicaments, le CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use) a finalement conclu que le rapport bénéfice/risque du traitement par rispéridone pour l’agressivité résistante à une approche non médicamenteuse restait favorable chez les patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer, sous réserve d’une durée courte de traitement, du respect des contre-indications et d’une surveillance étroite. En revanche, le CHMP n’a pas recommandé d’étendre sa prescription aux démences mixtes ou vasculaires, compte tenu du risque d’AVC.

Centre ressource régional de psychiatrie du sujet âgé (CRRPSA) d’Ile-de-France. Service de psychiatrie de l’adulte et du sujet âgé, hôpital Corentin-Celton (AP-HP), Issy-les-Moulineaux

(1) Taipale H, et al. High prevalence of psychotropic drug use among persons with and without Alzheimer’s disease in Finnish nationwide cohort. Eur Neuropsychopharmacol 2014;24:1729-37.

(2) HAS. Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs. Mai 2009. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-07/mal…

(3) Kales HC,et al. Assessment and management of behavioral and psychological symptoms of dementia. BMJ 2015;350:h369.

(4) European Medicines Agency. Risperdal - Article 30 referral - Annex I, II, III, IV. 2008. http://www.ema.europa.eu/docs/en_GB/document_library/Referrals_document…

Dr Aude Manetti, Jean-Pierre Schuster et Pr Frédéric Limosin

Source : Bilan spécialiste