Tour à tour, les Professeurs Hartmann et Pozzi ont présenté à la Société de chirurgie deux cas qui ont entre eux une singulière analogie. La première observation, due au Dr Reynes, de Marseille, a trait à un phlegmon du genou, produit par une injection de pétrole ; la seconde, de M. Agasse-Lafont, se rapporte à un abcès de même origine, dont le pied fut le siège.
À cette occasion, notre maître Pozzi a exposé la symptomatologie de ces lésions provoquées afin de permettre de dépister à l’avenir les simulateurs qui auraient recours à de pareilles manœuvres.
Et, d’abord, les symptômes cliniques qui font naître le soupçon :
« L’insuffisance ou la bizarrerie des commémoratifs ; l’absence d’ecchymose, alors qu’un traumatisme peut être invoqué par le malade ; l’aspect du pus, grumeleux et présentant des fragments de tissu sphacélés ; la présence de bulles gazeuses, sans odeur, lorsque, volontairement ou non, le malade s’est injecté de l’air, en même temps que le liquide irritant. »
Viennent ensuite les symptômes bactériologiques, qui montrent l’origine caustique et non microbienne de la suppuration.
« L’examen direct et les cultures révèlent qu’il s’agit d’un pus stérile, caractère paradoxal pour une inflammation à marche suraiguë. Ce signe, d’ailleurs, peut manquer, s’il y a eu contamination, au moment de la piqûre ou, surtout, infection secondaire après l’incision. »
Enfin, les symptômes chimiques imposent le diagnostic.
« S’il faut un odorat particulièrement exercé pour reconnaître l’odeur caractéristique plusieurs après la récolte, on peut concevoir qu’un examen immédiat ait des chances de donner à tout observateur des renseignements précieux. D’ailleurs, l’analyse chimique lèvera tous les doutes. »
Une réserve, cependant, doit être faite. Il faut penser, pour ne laisser point aucune hypothèse dans l’ombre, que, même avec un examen chimique positif, une erreur d’interprétation est cependant possible. Il est indispensable, en effet, de se demander si le malade n’a pas fait, dans un but thérapeutique, l’emploi d’un liniment ou d’une friction avec le liquide incriminé ; car, dans certains cas, l’application externe d’essence de térébenthine a pu provoquer de véritables phlegmons. Une suppuration de ce genre, d’origine accidentelle et non volontaire, pourrait présenter des caractères bactériologiques et peut-être chimiques, assez semblables à ceux que nous avons décrits, pour être la base vraisemblable d’une accusation, qui serait cependant mal fondée. »
L’injection de paraffine, de térébenthine, une épingle sale ont été parfois substituées au pétrole ; mais que ceux qui se rendent coupables de ces auto-mutilations sachent bien que rien n’est plus aisé que de mettre à nu le corps du délit.
L’auto-mutilation vraie, c’est-à-dire l’acte coupable du soldat se blessant volontairement avec son arme, n’est pas moins facilement reconnue, ainsi que l’ont établi, dans de très documentés et intéressants travaux, les Drs Chavigny, professeur agrégé du Val-de-Grâce, et Cornet, médecin-major de 2e classe.
À la vérité, ces faits sont heureusement rares ; on les a observés dans toutes les armées et à toutes les époques. Nous n’en donnerons pour preuve que la pièce suivante, datant de l’ère impériale, et qui fut naguère exhumée par M. J. Morvan. C’est un préfet de l’Empire qui écrit ces lignes, tristement révélatrices :
« J’ai vu des jeunes gens qui se sont fait arracher toutes les dents pour ne point servir ; d’autres sont parvenus à les carier presque toutes, en employant des acides ou en mangeant de l’encens. Quelques-uns se sont fait des plaies aux bras et aux jambes par l’application de vésicatoires, et pour rendre ces plaies pour ainsi dire incurables, ils les ont pansées avec de l’eau imprégnée d’arsenic. Beaucoup se sont fait donner des hernies soufflées ; quelques-uns ont appliqué, sur les parties de la génération, des caustiques tellement violents qu’on doute qu’ils puissent échapper à la mort. Je n’exagère point en vous disant que plus de deux cents jeunes composent l’horrible tableau dont je viens de vous présenter les traits principaux. »
De moins en moins, à l’heure actuelle, nous avons à déplorer de telles défaillances. Et puis la science a fait assez de progrès pour les rendre à peu près impossibles.
(La Chronique médicale, décembre 1915)
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