L A Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a confirmé le fort dérapage des dépenses d'assurance-maladie en 2000. Selon des résultats provisoires concernant le régime général, elles ont progressé à un rythme de 5,9 % en 2000 pour un objectif qui avait été fixé initialement par le Parlement à 2,5 %. Une croissance record qui, comme le souligne la CNAM, est bien supérieure à celle des deux dernières années (3,1 % en 1999 et 4,3 % en 1998)
Pour la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, qui en a pris acte, ces résultats s'expliquent « pour l'essentiel par une croissance plus rapide que prévu des dépenses de soins de ville ». Celle-ci s'établirait en effet à 8 % sur un an pour le seul régime général. Avec une progression de 7,7 % pour les trois régimes d'assurance-maladie, les soins de ville enregistreraient donc un dépassement de l'ordre de 17 milliards de francs par rapport à l'objectif fixé en progression de 2 %. « L'année 2000 comportant deux jours ouvrés de moins que 1999, les taux de croissance indiqués minorent les tendances réelles », précise par ailleurs la CNAM, selon laquelle le rythme de croissance de ces dépenses aurait donc été plus proche de 9 %.
Ce sont les prescriptions, et notamment les prescriptions de médicaments, qui ont le plus fortement contribué à alourdir la facture au cours de l'année écoulée. Ainsi, les remboursements de médicaments seraient en hausse de 11,8 % par rapport à 1999, alors que les honoraires médicaux et dentaires augmentaient de 5,2 % et les indemnités journalières de 8,8 %.
Une tendance lourde, confirmée par les analyses de la CNAM sur l'évolution de la consommation médicale depuis 1992. « Sur une longue période, le rythme d'évolution des honoraires des médecins généralistes et spécialistes remboursés par le régime général apparaît relativement modéré au regard de l'évolution de l'ensemble des dépenses. Le constat inverse peut être dressé pour les médicaments. Alors que, en 1992, les dépenses de médicaments et d'honoraires médicaux étaient sensiblement équivalentes, à la fin de 2000, les médicaments représentaient pour l'assurance-maladie une charge financière supérieure de 40 % à celle des honoraires médicaux », commente-t-elle.
Spaeth : un dérapage sévère mais pas surprenant
Cette hausse non contrôlée des dépenses de médicaments préoccupe d'autant plus le gouvernement qu'il s'est engagé depuis deux ans dans une politique de maîtrise des dépenses de ce secteur qui n'a visiblement pas encore produit son effet. Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité s'est toutefois voulu rassurant en précisant que le développement de l'utilisation des médicaments génériques devrait apporter une économie d'un milliard de francs en 2001 et la poursuite de la réévaluation du service médical rendu, 3,5 milliards de francs.
Sous-estimée lors de la dernière commission des comptes de la Sécurité sociale qui l'estimait à 4,9 %, la forte progression des dépenses d'assurance-maladie en 2000 a par ailleurs pour conséquence d'entamer l'enveloppe fixée par le Parlement pour 2001. « On a déjà anticipé d'environ 1 % sur la croissance 2001, soit, à la louche, de 5 milliards de francs sur l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie de 693,3 milliards de francs », précise-t-on à la CNAM. Et donc de relancer le débat sur l'utilité de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie, systématiquement dépassé au cours des trois dernières années.
« C'est un dérapage sévère mais pas surprenant, dû au cloisonnement d'un système non régulé », a commenté le président de la Caisse nationale d'assurance-maladie, Jean-Marie Spaeth. Une pierre dans le jardin du gouvernement, auquel il reproche d'avoir séparé, depuis l'année dernière, la gestion des dépenses d'honoraires des professionnels de santé, qui relève de la CNAM, et celle des dépenses hospitalières et du médicament, qui relève du gouvernement.
C'est donc un chantier pour le moins miné qu'a laissé Martine Aubry à Elisabeth Guigou, qui doit ouvrir jeudi une grande concertation avec les représentants des professionnels de santé et de l'assurance-maladie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature