Physiopathologie
À la suite d'efforts quantitativement et/ou qualitativement excessifs, les microlésions osseuses s'accumulent et dépassent les capacités de réparation tissulaire. Les microtraumatismes provoquent ainsi des microfissures, qui peuvent se propager et se compliquer de fracture. L'orientation des fissures, qui dépend du type mécanique de mise en charge (compression, tension ou torsion), est également un facteur important dans la constitution d'une fracture.
Classiquement, on distingue des facteurs favorisants intrinsèques et extrinsèques.
Les facteurs favorisants extrinsèques sont l'activité physique intense, les contraintes mécaniques spécifiques au type d'exercice et le niveau d'amortissement du choc (chaussage, surface du sol).
Les facteurs favorisants intrinsèques regroupent le sexe féminin, l'origine caucasienne ou asiatique, le niveau d'activité antérieur et l'entraînement (capacités aérobies, force musculaire, endurance). Le rôle de la densité minérale osseuse (DMO) n'est pas élucidé avec précision. Si l'influence d'une DMO basse paraît plus évidente chez la femme, c'est surtout l'association DMO basse et troubles des règles qui semble augmenter le risque de fracture. Les facteurs hormonaux jouent un rôle important. Un faible taux basal d'estrogènes favorise la survenue de fractures, alors que la contraception semble avoir un effet protecteur. Les facteurs nutritionnels sont impliqués, en cas d'apport calcique insuffisant et surtout par le biais de troubles du comportement alimentaire (anorexie). On décrit ainsi « la triade de l'athlète féminine » avec anorexie, aménorrhée et ostéoporose.
Diagnostic clinique
Le symptôme principal est la douleur. Elle est le plus souvent mécanique, mais peut devenir permanente au repos et même la nuit. On fait préciser le type d'exercice physique, l'entraînement, l'état de santé général, une corticothérapie éventuelle, un tabagisme, l'alimentation. La régularité du cycle menstruel doit être également recherchée.
Imagerie
Les radiographies standards peuvent être normales au stade initial pendant les trois à quatre premières semaines, voire pendant plusieurs mois. Au niveau cortical, on décrit une réaction périostée ou une simple fissure. Au niveau de l'os spongieux, on peut voir une densification de l'os trabéculaire sous forme de condensation linéaire perpendiculaire aux travées osseuses.
La scintigraphie est « l'étalon- or ». Sa sensibilité est proche de 100 % ; en revanche, sa spécificité est faible. L'examen n'a aucun intérêt pour le suivi (hyperfixation prolongée).
La tomodensitométrie a surtout un intérêt pour explorer des zones métaphyso-épiphysaires spongieuses et des structures anatomiques (pied, sacrum).
L'IRM corrélée aux symptômes cliniques est plus pertinente que les autres examens et permet de classer les fractures de fatigue en cinq stades de sévérité.
Principes thérapeutiques
Le traitement a pour objectif de rééquilibrer la balance osseuse entre résorption et formation. Il s'agit d'abord de corriger les facteurs favorisant les fractures de contrainte. Une simple diminution de l'entraînement est, dans la majorité des cas, suffisante pour que les jeunes femmes anorexiques retrouvent un cycle normal. Une contraception orale ou une hormonothérapie substitutive estrogénique sont souvent prescrites, améliorant de plus la DMO.
On distingue les lésions à haut risque et celles à faible risque selon le type et la localisation des lésions.
Les fractures de fatigue à faible risque requièrent une prise en charge relativement simple. Le diagnostic est posé sur la clinique. Si les radiographies sont normales, une mise au repos temporaire avec de nouvelles radios est suffisante. Il est conseillé de faire marcher en décharge pendant une période de trois à six semaines et de reprendre une activité avec des exercices à faible impact (natation, cyclisme). L'activité à impact ne sera reprise que quelques semaines plus tard, de façon progressive.
Les fractures de fatigue à haut risque nécessitent une prise en charge plus agressive. Elles se compliquent plus facilement de fractures complètes, retards de consolidation ou pseudarthroses. Les localisations à risque sont essentiellement situées au membre inférieur : col fémoral, rotule, tibia (antérieur, malléole interne), pied (talus, scaphoïde, V métatarsien, sésamoïdes). Le traitement est conservateur avec mise en décharge totale. Le traitement orthopédique doit être le plus précoce possible. La durée du traitement est fonction de la gravité des lésions, d'une mise en décharge de deux à trois semaines jusqu'à une immobilisation plâtrée de six semaines. La reprise de l'appui se fait progressivement et est conditionnée par la survenue de symptômes douloureux.
Le traitement chirurgical est proposé dans de rares cas comme les fractures en tension du col fémoral, les lésions d'aspect chronique à la radiographie (sclérose médullaire, évolution kystique) et les fractures déplacées. Il se discute également au cas par cas chez les sportifs de haut niveau. Il consiste en une fixation stable par ostéosynthèse, parfois associée à une greffe osseuse.
Un traitement par ondes de choc extracorporelles pourrait être intéressant dans les retards de consolidation et les pseudarthroses.
Traitements pharmacologiques
Les bisphosphonates n'ont pas montré d'effet protecteur sur la survenue de fractures de fatigue. Quant à la parathormone (PTH) et la supplémentation vitamino-calcique, elles n'ont été évaluées que chez l'animal.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pourraient provoquer un retard de consolidation osseuse de huit à dix jours, qu'il faut mettre en balance avec le bénéfice antalgique apporté à la phase aiguë.
Chez les jeunes sportives minces avec troubles du cycle menstruel, le rôle protecteur d'une contraception orale est constaté, même si le mécanisme n'est pas clairement démontré, passant probablement par un effet des estrogènes sur la DMO.
Entretiens de Bichat. Communication des Drs J.-M. Féron et B. Cherrier, hôpital Saint-Antoine, service de chirurgie orthopédique et traumatologique.
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