En 1872, le Dr Louis-Auguste Mouret multiplie les exemples sur l’inutilité des livres médicaux à l’intention du « vulgus pecum ». Il s’attaque ainsi à un article sur les maladies de l’estomac et de l’intestin.
Voici un article que je prends au hasard, dans ce genre d’ouvrages (destiné aux profanes, ndlr) à propos des maladies de l’estomac et de l’intestin. Voici ce qu’on peut lire :
« Le tube digestif, depuis la bouche jusqu’à l’orifice inférieur, se compose successivement de l’œsophage, du cardia, de l’estomac, du pylore, du duodénum, de l’intestin grêle, du gros intestin. On peut donc souffrir d’œsophagite, de gastrite, d’entérite, de colite, plus les lésions ou obstructions du cardia, du pylore et des sphincters (voyez ces mots). »
Avant d’aller chercher le mot, il faut donc vous rendre compte exactement et savoir si vous avez une gastrite, une gastralgie, une dyspepsie quelconque, une entérite, une colite, une obstruction cardiaque ou pylorique et, à supposer que vous soyez apte à démêler dans ce tube de vingt-cinq pieds de long le point malade quand vous irez voir le mot, la description symptomatologique sera pour vous plus obscure et vous présentera plus de difficultés, c’est-à-dire plus d’impossibilité que vous n’en aviez d’abord à localiser votre mal.
Au milieu de ces à-peu-près, vous devez arriver à vous fourvoyer complètement, et sur la nature de votre mal et sur le traitement conseillé par votre vulgarisateur, si peu qu’il y ait des analogies de symptômes entre le mal qui vous tourmente et la description du chapitre sur lequel vous serez tombé. Vous direz : « Voilà mon affaire », et vous commettez une erreur grosse de conséquences, comme tous les médecins ont pu en avoir dans leur clientèle.
Des ouvrages qui poussent à l’hypocondrie
Ces livres de médecine usuelle, ces dictionnaires de la santé ont un autre danger dont je dois prévenir les familles. La plupart du temps, ces livres sont achetés par des personnes très préoccupées de leur état de maladie, souvent pusillanimes, redoutant la souffrance future qu’elles prévoient à travers leur imagination troublée, se créant, par la pensée des dangers pleins d’exagération, épouvantées de l’idée de mort qui les poursuit outre mesure, se tâtant, comme on dit, du matin au soir, en proie, en un mot à cette obsession morale qui coïncide souvent avec un état de santé passable, et qu’on nomme hypocondrie.
Chez elles, la lecture des livres de médecine produit un effet désastreux. Ces pauvres cerveaux faibles se croient bientôt en proie à tous les maux dont ils suivent la description, surtout ceux indiqués comme sérieux ou mortels. Ces lectures aggravent leur état habituel d’indisposition et ils parcourent, ainsi, un cercle vicieux autant que désastreux pour leur santé, allant de leur préoccupation à leur livre et de leur livre à leur préoccupation.
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