Un nouveau vitalisme

Les sentiments régulateurs

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Publié le 15/01/2018
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Idées-Damasio

Idées-Damasio

L'homme s'est longtemps défini à partir de la seule pensée, il était fier de sa capacité à concevoir et à se déterminer. C'est d'ailleurs ce qu'Antonio Damasio a critiqué dans « l'Erreur de Descartes » (Odile Jacob, 1995). En fait, n'importe quelle journée de notre vie est jalonnée d'émotions et de sentiments souvent violents : désirs, craintes, frustrations, comme plaisirs et joies. « Je fais l'hypothèse, dit notre auteur, que la souffrance a conduit les humains à l'introspection. »

Nombre de nos comportements sont régulés par nos sentiments, nous les utilisons à des fins pratiques et sociales. Camaraderie, amitié, amour, mais aussi agression, domination, sadisme construisent nos rapports avec autrui. « Les sentiments naissent quand la vie est sur la corde raide. » Antonio Damasio en recherche la genèse dans la naissance de l'évolution et de la culture. Les affects interviennent par exemple sous forme de joie ou de frustration dans la réussite ou l'échec social.

De manière générale, on constatera que les sentiments réussissent là où les simples idées échouent. Cela tient à leur nature même, car « ils sont le fruit d'un partenariat, d'une coopération entre le corps et le cerveau, qui interagissent via des voies nerveuses et des molécules chimiques circulant librement ». Des données que l'auteur inscrit astucieusement dans le processus de différenciation entre l'esprit humain et celui des autres espèces.

Ces études font apercevoir en leur centre le rôle de l'homéostasie, « la capacité commune à tous les organismes vivants de maintenir leurs opérations biochimiques et physiologiques dans une fourchette de valeurs compatibles avec la survie », une sorte de thermostat permanent. Et là encore, dit Antonio Damasio, sensations et sentiments font office de sentinelles au travers du bien-être et du malaise ressentis. C'est sans doute la raison pour laquelle ils ont été conservés au fil de l'évolution.

L'homéostasie est cette force irrépressible qui fait que la vie se continue et s'affirme avec une immense puissance. Un concept qui peut apparaître à mi-chemin entre le neurobiologique et la philosophie. On peut n'y voir qu'une entité abstraite baptisant la difficulté plus que l'expliquant. Spinoza la nommait « Conatus » et Bergson « Élan vital ».

* Odile Jacob, 400 p., 26,90 €

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du médecin: 9631