Traitement hormonal de la ménopause

L’état des lieux en 2009

Publié le 27/05/2009
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LA MÉTA-ANALYSE dite d’Oxford publiée en 1997 (1) puis l’étude WHI (2) en 2002 ont mis en évidence une association entre la prise d’un traitement estroprogestatif et une augmentation du risque de cancer du sein et de complications thrombo-emboliques. Depuis, il est apparu que les effets des traitements hormonaux de la ménopause (THM) diffèrent en fonction des molécules utilisées et de la voie d’administration. L’étude française E3N (3), qui a suivi plus de 80 000 femmes en postménopause, a montré que le surrisque de cancer mammaire est moindre avec la progestérone naturelle (la plus utilisée en France) et la dydrogestérone qu’avec l’acétate de médroxyprogestérone, progestatif utilisé dans l’étude WHI. Une étude finlandaise publiée en janvier 2009 (4) a confirmé la différence de risque en fonction de la molécule de progestatif associé. Enfin, l’étude ESTHER menée par le Pr Scarabin à Paris (5) a mis en évidence, d’une part, que contrairement à d’autres progestatifs, la progestérone micronisée n’a pas d’effet thrombogène et, d’autre part, que le risque thromboembolique veineux est uniquement augmenté avec les estrogènes administrés par voie orale et non avec ceux administrés par voie transdermique. Ces résultats conduisent le Pr Lopes à conclure que tout THM doit être individualisé et adapté à une patiente en fonction de ses propres risques.

Les experts s’accordent à dire que les THM estroprogestatifs donnent les meilleurs résultats. Les effets sur les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes, la sécheresse vaginale ainsi que sur les arthralgies sont démontrés. Les troubles du sommeil, de la vigilance, de la mémoire et l’irritabilité seraient plutôt des effets « domino ». Traiter les bouffées de chaleur fait disparaître les autres symptômes.

Le risque carcinologique.

« Dans l’étude WHI, rappelle le Pr Lopes, le surrisque de cancer du sein était de 8 pour 10 000 patientes/année. On oublie souvent que dans cette étude, une diminution du risque de cancer du côlon de 6 pour 10 000 patientes/année a aussi été constatée. Or, l’incidence du cancer du sein est de 41 000 cancers par an avec une mortalité de 20 % alors que l’incidence du cancer du colon est de 18 000 par an avec une mortalité de 44 %. Ne serait-ce qu’en termes de risque carcinologique, la balance n’est pas défavorable au THM. »

Dans la méta-analyse d’Oxford, le risque relatif d’avoir un cancer du sein chez les patientes prenant un THM est comparable à ce risque par année de ménopause reculée chez les non utilisatrices de THM. « Si avec le THM, la ménopause est retardée, il n’est pas illogique d’augmenter un peu le risque de cancer du sein, constate le Pr Lopes. De plus, il ne faut pas oublier que le THM a des effets sur la peau, sur la libido, sur le bien-être et la sexualité. Les femmes ont envie d’être jeunes et actives au-delà de 60 ans. »

Prévention du risque fracturaire.

Pour le Pr Lopes, en début de ménopause (50 - 60 ans), le THM est un des meilleurs traitements de prévention de la perte osseuse et du risque fracturaire. D’ailleurs, l’étude WHI avait montré que les femmes recevant un THM présentaient moins de fractures liées à l’ostéoporose. Cependant, des alternatives thérapeutiques sont possibles. Les SERM (raloxifène) sont plutôt indiqués quand le risque mammaire augmente et que les signes climatériques disparaissent, c’est-à-dire chez les femmes de 55-65 ans. Les bisphosphonates sont indiqués en présence de signes d’ostéoporose densitométrique, de risque fracturaire ou quand un THM est contre-indiqué. Le ranélate de strontium a un mode d’action original : il prévient la perte osseuse en agissant à la fois sur la formation de l’os et sur sa résorption. Le moindre recul sur ce produit conduit à le préférer pour les femmes plus âgées et plus à risque. Le Pr Lopes est favorable à un traitement séquentiel : « Le THM chez les femmes de 50 à 60 ans, un SERM vers 60-65 ans, ensuite vers 65-70 ans, un bisphosphonate ou le ranélate de strontium. »

Les complications cardio-vasculaires.

L’étude WHI a fait apparaître une association entre la prise de THM et un sur-risque de complications coronaires (HR = 1,29), d’embolies pulmonaires (HR = 2,13), et d’AVC (HR = 1,41). Les résultats de l’étude ESTHER permettent de relativiser ces résultats. De plus, une réanalyse de la WHI (6) souligne l’intérêt de la notion de fenêtre d’intervention thérapeutique, c’est-à-dire le moment où il est préférable de commencer le THM. Ces travaux suggèrent que les THM préviendraient l’athérosclérose, mais favoriseraient les accidents thromboemboliques quand les plaques d’athérome sont déjà formées. Pour que l’effet préventif se manifeste, le THM doit donc être pris rapidement après le début de la ménopause.

Le Pr Lopes conclut : « Il faut respecter les contre-indications chez les patientes ayant eu un AVC, un cancer du sein, un lupus…, mais depuis l’étude WHI, tous les THM ont payé un tribut alors que leurs effets sont différents. Il serait souhaitable que de nouvelles recommandations tiennent compte de l’ensemble des résultats dont nous disposons actuellement ».

*D’après un entretien avec le Pr Patrice Lopes, CHU de Nantes.

(1) Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Lancet 1997;350(9084):1047-59

(2) Rossouw JE et coll. JAMA. 2002;288(3):321-33

(3) Fournier A et coll. Breast Cancer Res Treat. 2008;107(1):103-11.

(4) Lyytinen H et coll. Obstet Gynecol. 2009;113(1):65-73.

(5) Canonico M et coll. Circulation 2007;115(7):840-5.

(6) Manson JE et coll. WHI and WHI-CACS Investigators. N Engl J Med. 2007;356(25):2591-602.

 YVONNE EVRARD

Source : lequotidiendumedecin.fr