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L'Europe en phase de régression

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Publié le 23/06/2016
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L'Europe en phase de régression

L'Europe en phase de régression
Crédit photo : AFP

L'Union, qui a résisté à la crise de l'euro et à la crise grecque, est plongée par l'immigration dans un état voisin du désespoir. Partout, en France, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Italie où le réformateur Matteo Renzi n'a pas vu venir le triomphe du mouvement Cinq étoiles de Beppe Grillo aux élections municipales, l'idéal européen bâti sur des institutions communes est en recul. La défaite du centre-gauche en Italie représente probablement le phénomène le plus alarmant parmi les poussées nationales du populisme. Car tous les Européens voyaient dans ses premiers succès, Jobs Act, réforme des institutions, lutte contre la corruption et les rentes la promesse d'un pays qui se prenait enfin en main et tentait de remonter la pente fatidique vers une sorte de déliquescence irréversible.

Le succès de Cinq étoiles a donné un coup d'arrêt à cette renaissance italienne, perçu par les partenaires de l'Italie, comme une nécessité sans laquelle elle risque de tenter des expériences délétères. Beppe Grillo apporte en outre aux diverses crises italiennes des réponses qui ne sont pas toutes à rejeter. En dépit de son intolérance, de sa xénophobie et de son antisémitisme, il prône une politique de proximité, celle dont Rome, par exemple, livrée à la corruption, à la mafia, au non-ramassage des ordures, a un énorme besoin. L'immense danger du populisme, c'est qu'il identifie les maux dont souffre la population et qu'il propose de les guérir, pendant que les gouvernements à l'ancienne mode traitent les problèmes macro-économiques à long terme dont la résolution, qui prend du temps par définition, n'apporte pas un soulagement immédiat à la population.

Une crise existentielle de l'Union

Que, par ailleurs, la Grande-Bretagne sorte de l'UE ou y reste est peut-être moins crucial que la présence en son sein de deux camps résolument hostiles l'un à l'autre et dont la division s'ajoute au rêve indépendantiste de l'Ecosse, très semblable à celui de la Catalogne, en Espagne. Vainqueurs ou perdants, les partisans du Brexit ont exprimé leurs convictions avec une telle ardeur qu'on les voit pas y renoncer dans les mois ou les années qui viennent. Il existe donc une crise existentielle de l'Union et elle ne peut pas attendre que soient franchis les caps électoraux. Absorbé par la quadrature du cercle, une impopularité qui le menace d'être éliminé au premier tour en 2017, François Hollande, qui a littéralement déserté l'Europe depuis un an, doit reprendre le dialogue avec la chancelière Angela Merkel, même si elle aussi doit songer aux élections fédérales allemandes qui auront lieu en août 2017. Le président français et la chancelière sont incontestablement les deux leaders les plus européens de l'UE. Ils doivent, ensemble, et quelles que soient les échéances électorales, identifier les facteurs complexes et multiples de la crise de l'Union et proposer des remèdes applicables immédiatement. Ils sont tenus de relancer l'axe franco-allemand.

La vérité est que les peuples français et allemand sont recroquevillés sur leurs douleurs intestinales, l'immigration pour les Allemands, une croissance insuffisante et un chômage de masse pour les Français. Dans les deux cas, l'Europe a largement prouvé qu'elle était incapable d'apporter des solutions. Ce qui explique que Mme Merkel ait cherché (et trouvé), grâce à la Turquie, un début de normalisation pour l'immigration massive dans son pays et que M. Hollande s'intéresse principalement au retour timide de la croissance et à la diminution lente du chômage, sans lutter contre le chaos politique et institutionnel que déclenche chez nous l'avènement du tripartisme ou du quadripartisme. Il y a désormais en France deux gauches et deux droites et cette multiplicité de courants est difficilement compatible avec le scrutin uninominal à deux tours qui prévoit au second tour une explication entre deux candidats. Deux raisons à cet état de fait : l'incapacité de la droite classique à ralentir la montée en puissance du Front national et celle du pouvoir à mettre de l'ordre dans une gauche en partie révoltée contre les promesses que M. Hollande a faites en 2012 et qu'il a trahies.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9507