Les élèves directeurs d’hôpital ont le sens du cocasse. Alors que l’ADH les avait invités à monter un petit sketch à l’occasion de ses journées nationales, à Paris, les jeunes de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) ont choisi de railler les discours de leurs aînés en inventant un… générateur automatique de langue de bois.
Cet outil fort utile est censé permettre à n'importe quel directeur d’hôpital « moyen » de prendre la parole en toutes circonstances, quitte à débiter des formules aussi creuses que péremptoires. Ce sketch décalé intervenait juste avant une table ronde consacrée aux « nouvelles voies pour innover à l'hôpital », thème propice à la langue de bois…
Les piques des jeunes directeurs ont-elles été entendues ? Les intervenants (experts et managers) ont au moins su éviter les discours convenus sur les nouvelles technologies, la robotique ou la génomique, pour se concentrer sur l’innovation organisationnelle. « Notre système de santé actuel est en réalité un système de soins, a attaqué le Pr Franck Chauvin, président du Haut conseil de la santé publique (HCSP). Il a un intérêt objectif à ce qu'il y ait de plus en plus de patients, et à ce que ces patients aillent de plus en plus mal ! » Et le PU-PH stéphanois d’en appeler à une « rupture » consistant à « considérer non pas les soins mais la santé » et « non pas les patients mais la population ».
« Population » : le mot lâché ne devait plus quitter la bouche des participants. Zaynab Riet, déléguée générale de la Fédération hospitalière de France (FHF), a affiché la volonté des hôpitaux publics de développer partout cette fameuse responsabilité populationnelle, parlant de « révolution culturelle ». « Il faut que les décideurs changent de logique et de logiciel », a-t-elle plaidé. « L'objectif en santé, c’est de savoir comment sur un territoire donné, nous pouvons faire pour soigner avant que la population ne tombe malade. »
De fait, la FHF propose carrément que cette responsabilité populationnelle soit inscrite dans la loi de santé comme un objectif partagé et assumé par tous les acteurs. Avec pour effet – dans le cadre de la réforme du financement – une fongibilité des enveloppes (ville/hôpital/médico social) pour les futurs paiements à l’épisode et au parcours de soins.
L’article 51 à la rescousse
Pour ne pas tomber dans les travers épinglés par les élèves directeurs, les invités de l’ADH ont essayé de montrer des voies concrètes d’innovation en ce sens. L’article 51 (de la loi Sécu 2018) qui permet de proposer des innovations en bénéficiant de financements dérogatoires, semble aller dans le bon sens, même s’il n’est pas exempt de critiques. « Avec cet article 51, on laisse vivre l’innovation mais une mécanique technocratique se met très vite en place derrière », a déploré Jean-Jacques Coiplet, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire.
Zaynab Riet a défendu le projet initié par la FHF pour concrétiser cette responsabilité populationnelle dans cinq territoires couvrant 1,3 millions d’habitants. L’objectif : réunir les professionnels de santé d’un bassin de vie – en ville comme à l’hôpital – afin qu’ils élaborent ensemble des « programmes cliniques intégratifs ». L'enjeu est en l'ocurrence l'harmonisation des protocoles cliniques autour du diabète et de la BPCO. « Nous avons été capables de réunir un véritable écosystème d'acteurs de santé », s’est réjouie Zaynab Riet, avant d’esquisser un sourire gêné. Le générateur de langue de bois des élèves de l’EHESP avait encore frappé...
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