S IX mois après son ouverture, le navire amiral de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) perd chaque jour un peu plus de sa superbe. A tel point que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité est venue apporter sa caution à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), sans doute en partie malade de son ultramodernité.
Déjà bien étoffée avant même l'ouverture de l'établissement (faillite de l'entreprise chargée de la construction de la façade, démolition de plafonds trop bas pour l'appareillage radio, fuites d'eau), la liste des maux de l'HEGP n'en finit pas de s'allonger. Pas de trêve des confiseurs pour Pompidou : après un été et un automne émaillés de « bogues » en tous genres (ratés informatiques, système de stérilisation des instruments déficient, eau potable... non potable, fuites de canalisation), l'hôpital a fini l'année 2000 et commencé 2001 avec une épidémie de légionellose dans ses murs. Le responsable de l'infection est identifié. Il s'agit du système d'eau chaude où un « phénomène de stagnation », qu'explique la « sous-activité » actuelle de l'hôpital (l'HEGP ne tourne pour l'instant qu'au tiers de ses possibilités), a favorisé la prolifération des bactéries Légionella. A la fin de la semaine dernière et sur un total d'un peu plus de quinze jours, cinq cas de légionellose avaient été détectés.
Un plan ORSEC
Le plan ORSEC des infections nosocomiales est toujours en vigueur à l'HEGP. Les patients récemment hospitalisés ont été engagés par courrier à contacter sans délai leurs médecins respectifs (300 appels recensés dont, sur 200 malades effectivement concernés, 12 ont été rappelés pour des prélèvements complémentaires). La désinfection des canalisations est en cours, par chocs thermiques et chloration de l'eau chaude en continu. Des tests suivront, dont les résultats ne seront connus que dans une dizaine de jours, précise l'AP-HP. En attendant, les malades de Pompidou sont privés de douche (les douches préopératoires, assorties d'un traitement préventif contre la légionellose, sont autorisées) et l'activité de l'hôpital est sérieusement ralentie. Construit pour accueillir 830 malades, l'HEGP, en phase de « montée en puissance », n'en abritait que 350 à la fin du mois de décembre. Ce contingent doit être aujourd'hui réduit à 250. Personne n'est mis à la porte, il n'y a pas de transfert de malades, mais les opérations programmées sont repoussées quand c'est possible. Elles seront orientées vers d'autres hôpitaux s'il n'y a pas de place à Pompidou et qu'elles ne peuvent pas attendre.
Nouveau retard pour les urgences
Conséquence indirecte de l'épidémie : les urgences de l'HEGP n'ont pas ouvert leurs portes, comme prévu, le 2 janvier dernier. Pour que le service fonctionne, il faut que la qualité de l'eau chaude soit garantie. Ce report sine die intervient alors que le SAU (service d'accueil et de traitement des urgences) de Pompidou semblait être arrivé au terme d'un parcours du combattant, en obtenant, le 28 décembre dernier, le feu vert de la tutelle pour son lancement. Pas assez de lits disponibles en aval, un accès inadapté tant pour les véhicules que pour les piétons : une première visite de conformité avait tourné court, obligeant, d'une part, l'hôpital à repousser la date initialement prévue pour l'ouverture de ses urgences - le début du mois de décembre -, d'autre part, l'AP-HP à mettre en place un dispositif de substitution pour l'accueil des patients (moyens supplémentaires dans les hôpitaux de l'ouest parisien : Cochin et Ambroise-Paré). Un système transitoire maintenu pour une durée indéterminée, légionellose oblige.
Venue juger la situation sur place, Elisabeth Guigou a estimé que « les choses devraient progressivement rentrer dans l'ordre ». Aux personnels, que les ratés de la mise en œuvre de l'HEGP commencent à démotiver ( « Il y a beaucoup de demandes de mutations, beaucoup d'arrêts maladie dans certaines filières où les gens sont épuisés », indique la CGT), la ministre a voulu redonner espoir. L'informatisation, à l'origine de nombreux cafouillages à l'HEGP, « fera un outil magnifique, si ça marche », a-t-elle souligné, concluant : « Il faut avoir confiance dans cet hôpital. »
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