Par le Pr OLIVIER VIGNAUX*
PROBABLEMENT plus que dans tout autre domaine de l'imagerie, l'IRM est un domaine en perpétuelle évolution, où les derniers travaux en recherche et développement nous font entrevoir ce que sera peut-être l'IRM de demain. Durant les années 1980, l'IRM cardiaque balbutiante a suivi une évolution marquée par la montée en champ magnétique : 0,5, 1, puis 1,5 Tesla. Dans les années 1990, les gradients de champs magnétiques sont devenus de plus en plus puissants permettant l'émergence de l'imagerie fonctionnelle cardiaque, avec des séquences de plus en plus contrastées et rapides. L'IRM cardiaque est devenue ainsi une technique très performante pour
l'analyse des phénomènes physiologiques de base (cinétique, perfusion, viabilité).
Analyse fonctionnelle du ventricule gauche (classe I).
Chez un patient porteur de maladie coronaire, la fonction systolique ventriculaire gauche est un élément pronostique essentiel. L'analyse des séquences Ciné à l'aide des logiciels adaptés fournis par les constructeurs permet d'obtenir une analyse chiffrée des paramètres fonctionnels ventriculaires gauches absolus et normalisés à la surface corporelle (fraction d'éjection, volumes télédiastolique et télésystolique, masse ventriculaire gauche), ainsi qu'une analyse segmentaire des altérations cinétiques (cinétique normale, hypokinésie, akinésie, dyskinésie).
Phase subaiguë de l'infarctus. En cas d'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST, l'urgence est à la coronarographie et à la restauration d'un flux coronaire épicardique par angioplastie ou fibrinolyse. L'indication de l'IRM peut se poser au décours de la prise en charge en service de soins intensifs, vers J2-J3, par exemple. L'IRM est capable de donner un certain nombre d'éléments pronostiques dès ce stade. Une corrélation entre la taille de l'infarctus en IRM (hypersignal sur les séquences en rehaussement tardif) et les signes de gravité (élévation de la troponine I, fraction d'éjection, score de cinétique segmentaire) a en effet été montrée.
L'IRM permet un bilan morphologique et la visualisation d'un éventuel œdème myocardique (séquences pondérées T2 avec saturation de la graisse) souvent majoré par un syndrome de reperfusion. Les séquences de premier passage peuvent mettre en évidence un hyposignal sous endocardique (« no reflow »), témoignant d'une atteinte de la microvascularisation coronaire qui peut se voir parfois alors que la réouverture du vaisseau coronaire épicardique a été optimale. Il s'agit d'un élément de mauvais pronostic clinique en terme de prédiction d'accidents cardiaques, correspondant à des nécroses de plus grande taille et annonciateur d'un remodelage significatif.
L'IRM est supérieure à la scintigraphie pour démontrer des nécroses rudimentaires (sous endocardiques non transmurales). La détection et l'évaluation de la nécrose (aiguë ou chronique) sont classées en I, ainsi que l'analyse de la viabilité. La fuite mitrale aiguë (III), le thrombus ventriculaire (II) et la CIV postischémique (III) ne sont pas de bonnes indications de l'IRM et relèvent typiquement de l'échocardiographie. L'IRM est parfois réalisée au décours d'une coronarographie quand celle-ci s'est révélée normale et n'a pas permis le diagnostic de la douleur. Dans ce cadre, la confirmation d'une myopéricardite par IRM est devenue une demande très fréquente des services de cardiologie ou de réanimation.
Infarctus à la phase chronique. Les séquences de rehaussement tardif envisagées au chapitre précédent sont très performantes au stade chronique. Elles sont en particulier très utiles avant une décision de pontage chirurgical. Une approche plus performante de la viabilité résiduelle que la mesure de l'épaisseur du myocarde en télédiastole est la recherche d'une réserve contractile en CINE IRM sous perfusion de faible dose de dobutamine. Du fait de la redondance possible avec l'échocardiographie à la dobutamine, les experts ont classé II cette indication. On pourrait proposer l'indication de l'IRM-dobutamine aux seuls patients peu ou non échogènes. Après un bilan de viabilité en IRM, l'imagerie sous faible dose de dobutamine est peu utile en cas d'amincissement franc (absence de viabilité certaine) ou en cas de nécrose rudimentaire sous endocardique (viabilité hautement probable). Elle est à discuter dans les formes intermédiaires (prise de contraste entre 25 et 75 % de transmuralité).
Maladie coronaire et cardiomyopathie.
L'IRM de perfusion sous stress pharmacologique (adénosine, dipyridamole) est de plus en plus utilisée pour la stratification du risque coronaire et les bilans préopératoires (classe II). L'avantage de l'angiographie coronaire par IRM sur le coroscanner est l'absence d'irradiation. Une indication classée en I est l'origine anormale d'une artère coronaire. En revanche, il ne peut aujourd'hui raisonnablement être proposé une quantification de sténose par l'IRM, la résolution spatiale restant très insuffisante.
Les patients porteurs de cardiomyopathie dilatée (CMD) peuvent bénéficier d'une IRM à visée étiologique (origine ischémique ou non ischémique). Il a été démontré que dans une série de patients porteurs de cardiomyopathie dilatée, 13 % étaient identifiés comme postischémiques sur l'aspect IRM en dépit d'une coronarographie ne montrant pas de sténose significative.
L'IRM est aussi intéressante dans les cardiomyopathies hypertrophiques (diagnostic de la forme apicale, prise de contraste tardive interstitielle des zones de fibrose). L'IRM a été fortement mise en avant pour son rôle de caractérisation tissulaire dans le diagnostic de la dysplasie arythmogène du VD, même si l'analyse de la cinétique (dyskinésies focales) reste primordiale. L'IRM est très utile également dans les cardiomyopathies spécifiques comme, par exemple, la sarcoïdose cardiaque, l'amylose cardiaque, l'hémochromatose et les vascularites.
Péricardite chronique. Contrairement à l'échographie, l'IRM apprécie assez facilement un épaississement pathologique du péricarde et son caractère éventuellement inflammatoire (prise de contraste). Elle peut également mettre en évidence les conséquences morphologiques ou fonctionnelles d'une constriction péricardique (mouvement paradoxal du septum interventriculaire). L'IRM est indiquée en particulier pour faire le diagnostic différentiel avec une cardiomyopathie restrictive. Enfin, l'IRM est l'une des techniques de référence pour la caractérisation des tumeurs cardiaques et le diagnostic différentiel avec un thrombus (mise en évidence d'une prise de contraste, absente en cas de thrombus).
En conclusion, l'IRM cardiaque est une modalité d'imagerie cardiaque largement validée dans de nombreuses indications cliniques et en plein développement technologique, ce qui lui promet un très bel avenir, dès demain (séquences 3D, en temps réel, sans gating), mais aussi dans un futur proche (imagerie hybride IRM/PET, imagerie moléculaire avec des marqueurs de type myéloperoxydase, macrophages ou cellules souches).
* Service de radiologie A, hôpital Cochin, Paris.
(1) Pennell DJ, Sechtem UP, Higgins CB,
et coll. Clinical indications for cardiovascular magnetic resonance : Consensus Panel report.
J Cardiovasc Magn Reson 2004 ; 6 :727-765.
(2) Imagerie cardiaque de l'adulte. O. Vignaux, éditions Flammarion Médecine Sciences 2008
(à paraître).
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