En 1872, Dr Louis- Auguste Mouret affirme que la spéculation et le désir immodéré d’un lucre facile et considérable arrachent à la plume d’hommes besogneux ou avides des livres (pseudo)médicaux, ne peuvent être d’aucune utilité et, en nombre de circonstances, ils deviennent très pernicieux pour ceux qui les lisent. Et de prendre en exemple, la prise du pouls par un profane qui aurait lu des livres sur la question…
« Nous ne nous occuperons ici que des livres à langage scientifique qui, sous le nom de « Médecine usuelle», « Trésor des familles»,, « La Médecine sans médecin» qui s’adressent au public avec la prétention d’exonérer la famille des visites de l’homme de l’art. Nous voulons bien, pour un instant, les considérer comme vraiment scientifiques et ne contenant que des doctrines raisonnables, de quelle utilité pourraient-ils être pour l’homme instruit, pour celui qui les consulte dans le but de se diriger lui-même dans ses maladies ?
« Comment se palper avec utilité ? »
Avant tout, il faut savoir de quel mal on est atteint ; comment se rendre compte soi-même de la présence des symptômes indiqués par l’auteur ? Comment en saisir les nuances à significations si variées ? Comment se palper avec utilité ? Comment s’ausculter le cœur, la poitrine, apprécier des bruits, des sons légers, fugaces, modifiés par tant de causes, qui exigent l’oreille la mieux exercée ou le tact le plus subtil, toutes choses qui ne peuvent être que le fruit d’une longue éducation de ces organes ? Comment se rendra-t-on compte des modifications qu’impriment aux signes indiqués dans telle maladie, le tempérament, l’âge, le sexe, les médicaments, la stature, le jour et la nuit, la plénitude ou la viduité du tube digestif, les anomalies, etc.
De l’art de se tâter le pouls
Prenons un seul symptôme, très utile au diagnostic, il nous servira d’exemple, et parlons du pouls. Cela paraît assez simple, tout le monde ne se tâta-t-il pas, en effet, un peu le pouls ? Supposons un amateur de choix : il s’arme de sa montre à secondes, il place le doigt sur l’artère du poignet dont il connaît, ma foi, très bien la position ; il compte alors un, deux, trois, quatre… et à la fin de sa minute, il peut donner le chiffre exact des pulsations, il a trouvé le nombre de battements dans un temps donné. Mais à quoi bon, pourra-t-il jamais se rendre compte de toutes les modifications que lui impriment les diverses et si multiples circonstances que nous avons plus d’une fois énumérées ? Avec le nombre trouvé, il faudrait savoir distinguer si le pouls est nerveux, de réaction, dur, mou, grand, petit, plein, fort ou faible, régulier, intermittent, confus, dicrote, concentré, ondulant, vultueux…
De plus, il faudrait connaître les différences qui se produisent rien que par la manière de poser les doigts,, le degré de pression, la sensation qui doit se produire avec un doigt ou deux, toutes choses qui modifient si bien cette sensation que, d’un pouls faible et ondulé, vous pouvez faire un pouls dur de réaction, d’un pouls plein un pouls insensible, d’un pouls dicrote un pouls régulier, etc. Il faut autant de temps pour apprendre à toucher cet instrument délicat que pour apprendre à pianoter inlassablement et, de ces instruments, le pouls est le plus subtil ; car il ne faut pas croire que les données que nous avons indiquées, en abrégeant beaucoup, suffisent aux diagnostics attachés à ce phénomène, ce ne sont là que des éléments simples, des types avec lesquels va se traduire le pouls vrai qui est toujours composé.
Ces éléments simples seront, si vous voulez nous permettre de continuer notre comparaison, comme les sept notes du clavier avec lesquelles un Beethoven, un Rossini, vont écrire leur chef-d’œuvre, ce sont les lettres d’un alphabet avec lesquelles on trace un poème épique ; l’enfant possède très bien ses vingt-cinq caractères, le poète seul en tir un monument. Le pouls peut être dur et lent, fréquent, et mou, large, faible, petit et dur, fort et rare, rapide et insensible, plein et irrégulier, régulier et confus, mou et large, fréquent et faible, et ces combinaisons varient ainsi, on le comprend, presque à l’infini.
On le voit, si on ne peut raisonnablement prétendre à se tâter le pouls pour savoir s’il correspond aux indications données par l’auteur, comment pourra-t-on se flatter de saisir la vérité dans les symptômes souvent si obscurs dont il va falloir comprendre la description, et cela dans un livre qui est déjà lui-même un résumé tellement concentré que leur succincte description est insaisissable ? »
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