Médecine personnalisée : la France à l'heure des enjeux au 4e congrès de la SFMPP

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Publié le 29/06/2018

Que ce soit en matière de traitement ou de prédiction, les avancées de la médecine génomique s'accélèrent, rendant « nécessaire une réflexion médicale élargie aux dimensions éthique, législative et économique », a indiqué le Pr Pascal Pujol, président de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), lors du 4e congrès de la société savante organisée à Paris les 29 et 30 juin. 

La révision des lois de bioéthique en cours, précédée au printemps de la consultation citoyenne organisée par le comité consultatif national d'éthique (CCNE), a mis un coup de projecteur cette année sur les enjeux de la médecine personnalisée, portée par ailleurs l'essor du plan France Génomique 2025.

Quatre thèmes majeurs se dégagent lors de cette édition 2018 du congrès de la SFMPP : les signatures génomiques dans le cancer du sein pour éviter les chimiothérapies inutiles, les thérapies ciblées et l'extension d'indication d'analyses génétiques, notamment dans le cancer du sein, les données secondaires du génome et les règles de bonne pratique, le dépistage préconceptionnel de maladies graves et incurables.  

Désescalade dans les cancers

En cancérologie, la génomique permet de mieux traiter mais aussi de moins traiter. La médecine de précision est potentiellement capable de prédire l'inutilité de certaines chimiothérapies, comme le test Oncotype DX en a récemment fait la preuve dans le cancer du sein localisé dans « The New England Journal of Medicine ». Cette grosse étude menée sur 12 ans est le premier exemple de désescalade, « et il faut s'en réjouir », a souligné le Pr Pujol. 

Alors que les quatre signatures génomiques existantes dans le cancer du sein ne sont pas encore remboursées, la Haute Autorité de santé (HAS) s'est autosaisie du sujet début 2018, « ce qui devrait faire bouger les lignes et rendre l'outil plus accessible », espère le Pr Pujol. 

Autre question de cancérologie, faut-il attendre pour élargir le dépistage des mutations BRCA à tous les cancers du sein ? Aujourd'hui, le dépistage est proposé aux femmes ayant des antécédents familiaux. « Tout plaide au contraire pour que le dépistage génétique BRCA soit à terme élargi au moins à tous les cancers du sein, sinon en population générale, a plaidé le Pr Pujol. Qu'on le veuille ou non on y viendra ».

Dépister BRCA même sans antécédent

Des femmes sans antécédent familial identifié sont porteuses d'une mutation BRCA et, comme celles qui ont des antécédents familiaux, elles sont exposées à un risque 3 à 7 fois supérieur par rapport aux autres. L'enjeu est double. En thérapeutique d'abord, le traitement des porteuses BRCA n'est pas identique, avec une chimiothérapie basée sur les sels de platine, et l'arrivée récente en adjuvant des inhibiteurs de PARP dans les formes métastatiques. Pour le Pr Pujol, ces médicaments vont très certainement voir leurs indications s'élargir à des stades moins avancés en cas de BRCA. « Si on restreint l'analyse en cas d'antécédent, on va rater des cas », a expliqué le Pr Pujol. Le corollaire est un problème d'accessibilité, avec 8 000 nouvelles indications d'analyses par an à absorber dans le cancer métastatique.

Dépistage BRCA généralisé en Israël

En prévention, il existe déjà un engorgement des consultations d'oncogénétique, « tel qu'il faut attendre 6 mois, voire un an », a déploré l'oncogénéticien. Faut-il vraiment un conseil génétique avant le résultat ? Il faut désacraliser l'analyse génétique, plaide le Pr Ephrat Lévy-Lahad, du centre médical Shaare Zedeck à Jérusalem. Si un conseil est nécessaire en cas de résultat positif, il n'est pas nécessaire de le réaliser avant l'analyse, estime-t-elle citant les résultats d'une étude en population générale en Israël. La généticienne plaide pour un dépistage généralisé chez les femmes d'origine ashkénaze, surexposées aux mutations BRCA. Ses travaux montrent que plus de 50 % des femmes porteuses ne seraient pas identifiées compte tenu de l'absence de cas familial.

Le casse-tête des données secondaires

La découverte de données secondaires lors d'une analyse génétique est l'un des défis posés par l'analyse génomique. Que faire de l'incidentalome génétique ? Faut-il avertir le patient d'un risque qu'il n'est pas venu chercher au départ ? « C'est un problème rencontré en médecine depuis toujours, a fait valoir le Pr David Geneviève, cofondateur de la SMPP. Un patient vient consulter pour des maux de ventre et l'écho révèle une tumeur rénale ». La SMPP est en train de rédiger des recommandations pour homogénéiser les pratiques.

Quant au diagnostic préconceptionnel, le Pr Jean-Louis Mandel, généticien à Strasbourg plaide pour assouplir l'accès à l'analyse génétique. « Il faut laisser la liberté aux gens de le faire », a-t-il insisté. Le spécialiste a élaboré un projet pilote proposant aux couples désirant concevoir l'analyse génétique de 500 mutations récessives pour des maladies graves et incurables. 


Source : lequotidiendumedecin.fr