La Britannique Laura Spinney a réuni ses talents de journaliste scientifique et de romancière pour revenir sur cette influenza qui a touché un habitant de la Terre sur trois et a fait entre 50 et 100 millions de morts. « La Grande Tueuse » (1) déroule la série noire dans tous les continents, jusque dans les sociétés tribales les plus isolées, et fait ressortir les derniers instants de victimes célèbres, comme Guillaume Apollinaire ou Edmond Rostand. Sous-titré : « Comment la grippe espagnole a changé le monde », l’ouvrage montre l'impact de la pandémie non seulement sur les sociétés de l’époque mais sur les temps à venir. « Elle a ouvert la voie à l'émergence d'un système sanitaire mondialisé et à la médecine alternative… » Écrit comme un thriller, le livre est illustré et complété de pas moins de 40 pages de notes et d’index.
Chirurgien ophtalmique et pionnier du thriller médical depuis la parution de « Coma » en 1977, l’Américain Robin Cook publie son 35e livre. « Charlatans » (2) se déroule au Boston Memorial Hospital, qui est à la pointe de la technologie, avec ses « salles d’opération hybrides du futur ». La mort d’un patient lors d’une banale intervention, puis d’un deuxième et d’un autre, conduit le nouveau chef des internes de chirurgie à mener l’enquête, révélant des querelles amères au sein du service, avant que n’éclatent de terribles vérités. Comme son titre l’indique, l’auteur met en garde contre les faux médecins, de plus en plus difficiles à détecter depuis qu’on est entré dans l’ère numérique. Dans ce divertissement qui n'est pas gratuit, il plaide ainsi pour une révision de fond en comble de la formation des praticiens.
Marie Perez, 27 ans, aborde moins la médecine que la maladie et la mort. Elle avait 6 ans lorsque son père a été atteint d’une maladie neurodégénérative incurable. Pendant huit années, elle a assisté à ses dégradations physiques et mentales et s’est occupée de lui chaque matin et chaque soir, ne prenant conscience qu’à l’adolescence combien elle le haïssait et souhaitait sa disparition. Puis après sa mort est venu le temps des regrets, et de la culpabilité de n’avoir pas su aimer un père parti à jamais. « Pour que ma joie demeure » (3) est un récit sans fard et qui interpelle. Les événements douloureux corrompent-ils l’âme ? Peut-on véritablement aimer quelqu’un qui n’est plus que l’ombre de lui-même ? L’auteure, qui enseigne la philosophie dans un lycée parisien, convoque les penseurs pour étayer son discours.
Révolte et philanthropie
Une femme en chapeau et jupe longue tient un bobby à la renverse. La photo de couverture des « Heures indociles » (4) met sur la piste du thème du nouveau roman historique d’Éric Marchal (« Influenza », « la Part de l’aube », « le Soleil sous la soie ») : la révolte sociétale qui s’installe à Londres au début du XXe siècle. Trois personnages principaux en sont l'illustration : une suffragette, figure de proue du combat pour le vote des femmes, un poète irlandais, célèbre pour ses mystifications qui visaient à ridiculiser les figures d’autorité, et un médecin, pionnier du service des urgences au St Bartholomew Hospital et précurseur dans un département dont le but était d’unifier les pratiques occidentales et chinoises. Les cas cliniques qui parsèment l’ouvrage sont inspirés de documents réels, et représentatifs des progrès de la médecine hospitalière en 1910.
« Rothschild » et « humanitaire », un nom et un qualificatif qui semblent peu faits pour s’accorder. Et pourtant… Avec « Henri de Rothschild. Un humanitaire avant l’heure » (5), Nadège Forestier retrace le destin hors du commun d’un philanthrope et entrepreneur éclairé. Ce descendant direct du fondateur de la dynastie a été le premier de la lignée à refuser d’entrer dans la finance. Il choisit la médecine et va favoriser nombre de découvertes. En 1897, afin de lutter contre la mortalité infantile, il vend du lait stérilisé à bas prix ; en 1902, il crée son propre hôpital à Paris, rue Marcadet ; dans les années 1920, il finance les travaux de Marie Curie sur le radium ; en 1916, il rachète la formule de l’ambrine pour soigner les brûlures graves et produit la cire gratuitement, tout en formant les médecins sur les zones de combat… Henri de Rothschild (1872-1947) a imaginé les jus de fruits en bouteille, le chocolat en poudre, il s’est distingué dans les courses automobiles, la production de vin, le théâtre (il a écrit 39 pièces), la collection de livres et d’autographes, le mécénat, etc. « Altruisme et charité doivent être la rançon de tout homme que la fortune a favorisé », disait-il.
Irvin D. Yalom est professeur émérite de psychiatrie à Stanford. Auteur de nombreux livres traduits dans plus de vingt pays (« Et Nietzsche a pleuré », « le Problème Spinoza »), il s’est penché sur son propre parcours pour dire « Comment je suis devenu moi-même » (6). Il est âgé de 87 ans mais son écriture n’a rien perdu de sa chaleur et sa mémoire lui permet de distiller quantité d’anecdotes, depuis son enfance jusqu’à ces temps de vieillesse qui le contraignent à des renoncements. En tissant des liens entre sa formation, les histoires de ses patients, les héros de ses romans, ses amours et ses regrets personnels, il nous fait participer, de l’intérieur, à la construction de sa pensée.
(1) Albin Michel, 428 p., 24 € (2) Albin Michel, 567 p., 22,90 € (3) Kero, 142 p., 16 € (4) Anne Carrière, 605 p., 22,50 € (5) Le Cherche Midi, 235 p., 20 € (6) Albin Michel, 422 p., 23,90 €
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