Sait-on que le mot « microbe » ne se trouve ni dans le premier Supplément du grand Dictionnaire universel de Larousse, ni dans le Supplément, édité en 1892, du Dictionnaire de langue française de Littré ? Ce petit mot, si clair, sonore et précis, et si populaire qu’il en paraît vénérable, n’a que vingt ans d’existence. Son heureux père fut le chirurgien Sédillot, et le parrain Émile Littré lui-même : l’acte de naissance est du 11 mars 1878. C’est à cette date, en effet, que dans une communication à l’Académie des Sciences sur l’application des découvertes de Pasteur à la chirurgie, et avec l’approbation philologique de son ami Littré, Sédillot proposa le terme « microbes » pour désigner les germes atmosphériques qui, disait-il, « ont reçu tant de noms que l’on finit par s’y perdre ».
Voici quelques-uns de ces fâcheux synonymes, le plus souvent impropres et cacophoniques : micro-organismes, protorganismes, organismes inférieurs, protozoaires, protophytes, microphytes, microzoaires, schizophytes, micrococcus, mucédinées, monades, bactéries, vibrions, infusoires, ferments figurés, etc.
Avant l’avènement de « microbes », c’était vibrions le terme le plus usité, et l’on n’a pas oublié la fameuse tirade du docteur Rémonin sur ces « ouvriers de la mort » dans « L’Étrangère » de Dumas fils, qui est de 1876.
Le mot « anémie » est moins ancien qu’on ne le croirait, et il a fait, lui aussi, une fortune brillante et rapide ; il est entré depuis longtemps dans la langue courante. Hallé est le premier qui ait décrit et nommé l’« anémie », contre laquelle il préconisa le fer au lieu des mercuriaux alors en usage. Hallé était un érudit et un savant plutôt qu’un praticien. Corvisart lui avait cédé sa chaire au Collège de France dès l’année 1801 et, un peu plus tard, il le fit nommer médecin ordinaire de l’Empereur. Mais Hallé était mauvais courtisan. Un jour, à la visite du matin, l’Empereur, obéissant à son tic favori, s’était avisé de lui pincer l’oreille. « Sire, vous me faites mal ! », fit Hallé avec humeur en se retirant brusquement. Il continua de toucher son traitement de médecin ordinaire pendant tout l’Empire, mais il ne fut jamais baron.
C’est Laënnec qui a nommé pour la première fois les « cysticerques » et les « acéphalocystes » dans ses recherches sur les entozoaires.
Citons encore le mot « eupeptique », joliment édité par Gubler.
On a dit que la science n’étai qu’une langue bien faite. Il est certain que les mots nouveaux doivent être assujettis à certaines règles de dérivation et de composition, et que les néologismes ne doivent pas être forgés sans nécessité. Cependant, ils ne sont pas rares ;es amateurs de vocables hirsutes et encombrants, inutiles et baroques, véritable argot médical ; je citerais, par exemple, ces dernières créations : « opothérapie » et « bradydiastolie ». Celui-ci est le digne pendant de « bradypepsie », et Molière lui aurait fait le même sort. Quant à « opothérapie », il fait double emploi avec « organothérapie », prmier en date, plus simple et plus euphonique ; outre qu’il a le tort grave, de par l’assonance et l’étymologie (du grec « opos », suc, sève), de faire penser à un traitement par l’opium.
(Dr E. Callamand, de Saint-Mandé, « La Chronique médicale », février 1898).
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