Gériatrie

Mieux dépister et traiter la douleur chez le sujet âgé

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Publié le 18/01/2018
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DOULEUR AGEE

DOULEUR AGEE
Crédit photo : PHANIE

De 40 à 75 % des personnes âgées vivant à leur domicile et près de 90 % de celles vivant en institution souffrent de douleurs chroniques. Ces données rappelées en introduction d’un document de consensus rédigé en 2017 par des experts français en douleur et en gériatrie sont univoques quant à la nécessité pour les médecins et les soignants de prendre en considération cette dimension importante de la vie de ces patients.

Le professeur Gisèle Pickering, coordonnateur du Centre de pharmacologie clinique/Centre d'investigation clinique du CHU Gabriel Montpied de Clermont-Ferrand, explique ainsi qu’il existe des caractéristiques propres au ressenti de la douleur chez le sujet âgé qui peuvent compliquer son dépistage : « En cas de douleur aiguë, la perception peut être floutée par un vieillissement différentiel des fibres nerveuses avec, en plus, la croyance qu’il est normal de ressentir des douleurs à cette étape de sa vie ». Dans le cas de douleurs chroniques, elle rappelle également que celles d’origine neuropathique, longtemps méconnues, touchent désormais 10 % de cette population mais restent encore difficiles à diagnostiquer chez certaines personnes atteintes de pathologies touchant à la cognition.

Privilégier l’autoévaluation en première intention

Si les outils de diagnostic de la douleur sont initialement les mêmes que chez le sujet plus jeune, la présence de troubles cognitifs complique l’évaluation. Cependant, même pour les patients mal ou peu communicants, « l’autoévaluation reste le gold-standard », affirme le Pr Pickering. Il existe à cet effet de nombreuses échelles (verbales ou numériques) adaptées à la plupart des patients. Si l’autoévaluation est impossible, il faut alors utiliser une échelle d’hétéro-évaluation parmi les 4 existantes en langue française (Doloplus, ECPA-2, Algoplus et Pacslac) pour rechercher et éventuellement éliminer un phénomène douloureux chez les patients qui n’expriment pas spontanément leur douleur. Concernant les algorithmes d’évaluation développés pour utiliser la complémentarité des échelles d’auto et hétéro-évaluation, le Pr Pickering souligne qu’il faut « les utiliser avec précaution et uniquement dans les pathologies pour lesquelles elles ont été validées ». Quant à l’évaluation de la douleur neuropathique chez les sujets âgés qui souffrent de trouble de la communication, si elle demeure compliquée, il est toutefois essentiel d’ « appliquer un principe de précaution » face à des comportements particuliers (agitation/agressivité ou apathie) et de toujours dépister, évaluer et traiter ces douleurs. Dans bien des cas, la mise en place d’un « test pharmacologique peut s’avérer bénéfique », confie le Pr Pickering.

Médicaments et approches non pharmacologiques

Les traitements de la douleur chez le sujet âgé sont les mêmes que chez le patient plus jeune et reposent principalement sur la classification non-opioïdes et opioïdes, en palier 1, 2 et 3. Les co-antalgiques comme les antidépresseurs et antiépileptiques sont quant à eux particulièrement utilisés pour la prise en charge de la douleur neuropathique. La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), associée à d’autres sociétés savantes, a d’ailleurs récemment publié un consensus d’experts sur l’utilisation des antalgiques chez la personne âgée. Globalement, il est recommandé de débuter la prise en charge par un seul médicament antalgique, à la posologie la plus faible. Celle-ci sera ensuite majorée très progressivement, avec pour limites la dose maximale autorisée, la fonction rénale et l’apparition d’effets secondaires. Dans tous les cas, l’adhésion du patient est primordiale. Quant à la prise en charge non-médicamenteuse (exercice physique, éducation thérapeutique…) associée à une démarche de déprescription, elle progresse mais se heurte encore aux habitudes des patients et au fait que l’accès à la plupart de ces pratiques reste en général payant.

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9632