La négociation entre Londres et l'UE piétine

Mme May dans la tourmente

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Publié le 12/10/2017
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Mme May dans la tourmente

Mme May dans la tourmente
Crédit photo : AFP

On a fait grand cas des quintes de toux cauchemardesques qui ont émaillé un récent discours de Mme May. Tout le monde a le droit d'avoir un chat dans la gorge, mais la toux du chef du gouvernement britannique semblait souligner son désarroi politique. Murée dans son principe de « hard Brexit » destiné à satisfaire les plus eurosceptiques de ses ministres, Mme May feint de progresser dans ses discussions avec l'Union européenne, laquelle refuse d'aborder les affaires économiques tant que Londres ne l'aura pas rassurée sur le règlement financier de la séparation, dont le montant est évalué entre 60 et 100 milliards d'euros, tant que le sort des expatriés, ou Européens résidant en Grande-Bretagne, n'aura pas été scellé et tant que les conséquences du Brexit pour l'Irlande n'auront pas été abordées.

Ces questions sont pour le moins épineuses et la Première ministre semblent vouloir les contourner. C'est prendre les Européens pour des imbéciles. Mme May ne saurait tirer avantage de sa séparation d'avec l'Europe. Mais il lui est d'autant plus difficile d'accepter de faire des sacrifices que sa position politique est en péril depuis qu'elle a perdu la majorité absolue lors des élections générales du 8 juin de cette année. Ce qui complique sa tâche, déjà colossale. En effet, elle est à la fois menacée par l'opposition travailliste (les Anglais ont découvert, chez le chef du Labour, Jeremy Corbyn, des talents insoupçonnés) et par les manœuvres de Boris Johnson, son ministre des Affaires étrangères, qui ne renonce à aucune vilenie s'il a une chance de la remplacer. Comme il continue à exercer ses fonctions malgré les piques qu'il ne cesse de lancer à sa patronne, on pourrait supposer qu'elle est prête à le limoger. Il semble, malheureusement pour elle, qu'elle ne dispose pas d'assez de soutiens pour se séparer  de lui en toute tranquillité.

L'Europe entre deux dangers

Theresa May patauge, en réalité, dans une négociation avec l'Europe qui a déjà révélé tout ce qu'il peut y avoir de négatif, dans le Brexit, pour la Grande-Bretagne. Pour autant, les 27 ne s'en réjouissent guère. M. Johnson apparaît comme le démagogue numéro un de son pays, sous des dehors burlesques qui ne voilent pas ses ambitions. Et M. Corbyn, qui ne songe qu'à la disparition des inégalités, n'est pas un europhile convaincu. Comment le serait-il dès lors qu'il voit dans la construction européenne un agglomérat de puissances d'argent vouées à l'exploitation de l'homme par l'homme ? Mme May doit maudire le jour du référendum, le 23 juin 2016. Il a certes eu pour conséquence la démission du Premier ministre de l'époque, David Cameron, ce qui a offert à Mme May une occasion unique de s'emparer du pouvoir. Mais c'était un cadeau empoisonné. 

La nouvelle Première ministre, qui, pourtant, avait milité contre le Brexit, a cru bon, au nom de la démocratie, d'exaucer le vœu déraisonnable des sujets de la Reine en recourant à la manière forte. Elle a voulu, peut-être, apparaître comme une seconde Dame de fer, et pensé qu'elle était capable, comme Margaret Thatcher, de donner du fil à retordre à ses voisins européens. Autres temps, autres mœurs. D'abord, l'appartenance de la son pays à l'Union a créé des lois, des règlements, des accords qui, formant un fouillis inextricable, donnent le vertige aux meilleurs spécialistes anglais. Ensuite, elle a découvert, mais un peu tard, les problèmes financiers, commerciaux, humains et moraux auxquels le Brexit expose la Grande-Bretagne. Pourquoi ne pas le dire ? Les Britanniques devront payer un prix élevé pour leur démarche. Ce que les démagogues qui n'ont cessé de souffler sur les braises du nationalisme anglais se sont bien gardés de dire avant le scrutin. Ils ont même carrément menti à leurs compatriotes et ont reconnu leur mensonge au lendemain du 8 juin. Même si Mme May parvient à surmonter sa toux et son immense inquiétude, elle reste exposée à des attaques venues de tous les azimuts. Si elle se maintient au pouvoir, ce sera pour elle une descente aux enfers. Si elle s'en va, l'Europe peut craindre celui qui la remplacera.

 

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9609