L'art peut-il avoir des bénéfices sur la santé ? En quelques semaines, plus de cent médecins généralistes déjà convaincus ont montré leur intérêt pour ces prescriptions muséales. « C’est bien plus que ce qu’on aurait pu imaginer », confie Nicole Parent, à la tête de l’association des médecins francophones du Canada, presque étonnée d’un tel succès.
À Montréal, l’organisme qu’elle dirige teste, depuis novembre, en partenariat avec le musée des beaux-arts (MBAM), une initiative unique : les médecins peuvent délivrer une ordonnance permettant aux patients de se rendre gratuitement, seuls ou accompagnés, dans les salles de cet établissement situé en plein cœur de la ville, où s’exposent actuellement les œuvres de Calder. « Nous sommes persuadés que l’art peut avoir des effets bénéfiques dans le processus de guérison, poursuit Nicole Parent. Sur des maladies chroniques, cardiovasculaires, Alzheimer, mais aussi pour des personnes souffrant de diabète ou de troubles de l’humeur. On peut aussi penser à toutes les personnes qui apprennent un diagnostic de cancer, de maladies graves. Le champ d’action est très vaste. »
Dans l'arsenal thérapeutique
Lorsqu’elle propose à ces patients ces ordonnances d’un nouveau genre, le Dr Hélène Boyer, l’une des premières à s’être emparée du dispositif, observe d'abord « un grand sourire ». « Faire une ordonnance muséale fait maintenant partie de mon arsenal thérapeutique, au même titre que prescrire des médicaments, explique la médecin de famille. Nos patients peuvent aller au musée pour apaiser leurs souffrances et ce, sans effet secondaire. » Nicole Parent abonde en ce sens. « Quand, par exemple, on annonce une mauvaise nouvelle, on se demande qu’est-ce qu’on pourrait faire de plus pour nos patients… Or, quand on regarde une œuvre, l’attention est portée sur cette création, et on oublie notre anxiété. Des preuves cliniques le démontrent. »
Cette initiative n’est pas la première au musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), loin de là. Sa directrice, la Française Nathalie Bondil, s’active depuis dix ans pour mettre l’art au « service du mieux-être », accompagnée dans sa démarche par des scientifiques de renom. S'adresser à la sensibilité artistique des patients pour doper leur bien-être est même devenu sa marque de fabrique. Dix études cliniques supervisées par Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec (ayant mandat de conseiller le gouvernement sur le développement de la recherche et de la science au Québec), sont en cours dans cet établissement qui emploie également à temps plein un art-thérapeute. « Je suis absolument persuadée qu’au XXIe siècle, la culture sera pour la santé ce que le sport a été au XXe siècle, assume la directrice. C’est une façon d’ajouter un outil dans la boîte du médecin, je crois beaucoup à l’intelligence émotionnelle. Le musée peut avoir un impact sur notre sentiment de mieux-être et cette émotion permet de sortir de la situation de malade. Quand nous allons au musée, nous observons, nous ressentons, nous sommes acteurs. »
Regard étranger
Dans cette première phase du projet (une année), les médecins peuvent prescrire chacun jusqu'à 50 ordonnances. « Nous dresserons le bilan au terme des douze mois avec les professionnels et les patients », assure Nicole Parent, qui songe déjà à étendre le dispositif à d’autres lieux du Canada.
Depuis plus de deux mois, le sujet éveille une grande curiosité au Québec mais pas seulement. « Cela engendre beaucoup de joie dans la profession comme chez les malades, mais aussi auprès de nos confrères des milieux de la santé et de l’art à l’étranger, confie Nathalie Bondil. Nous sommes regardés ! » A quand des séances gratuites au musée du Louvre sur ordonnance ?
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