Averroès fut non seulement un des plus grands médecins arabes du Moyen âge mais aussi un philosophe émérite, un théologien rationaliste islamique écouté, un juriste réputé et un mathématicien de génie.
De son vrai nom Abu al-Walid Mohamed Ibn Ahmed Ibn Mohamed al-Andalusi, Averroes est né à Cordoue en Andalousie en 1126 où son père et son grand-père avaient été magistrats. Averroes commença par étudier le Coran, la grammaire et la poésie. Il fut ensuite formé par son père qui était lui-même juge à Cordoue, à la jurisprudence musulmane, selon laquelle le religieux et le juridique ne se dissocient pas. Véritable Pic de la Mirandole, il étudia ensuite la physique, l'astronomie, les mathématiques et, enfin, la médecine sous la férule d’Avenzoar.
L’œuvre médicale d’Averroes
Un examen attentif de ses travaux médicaux et philosophiques montre qu'Averroès était un homme profondément religieux ayant une bonne connaissance du Coran et des traditions enseignées par le Prophète auxquelles il fait souvent référence. Ainsi on trouve dans ses écrits cette phrase: « Quiconque étudie l'anatomie augmente sa foi dans l'omnipotence et l'unité de Dieu Tout Puissant ».
Averroes fut un médecin porté sur la recherche, l'analyse et le traitement des maladies, bien qu'il ait eu un plus grand penchant pour la recherche et l'étude. Son œuvre médicale la plus connue est « Kitab Al-Kulliyate fil-Tibb » (« Livre de Médecine Universelle" »). Ecrit avant 1162, cet ouvrage fut traduit en latin par Bonacosa en 1255, sous le titre de «Colliget» et en hébreu. Il fut publié en 1482 et en 1560 à Venise et enseigné officiellement dans les Facultés et écoles de Médecine occidentales jusqu'au XVIIe et XVIIIe siècles. Ce n'est qu'en 1984 que le texte arabe a été imprimé à New Delhi.
Dans cet ouvrage, composé de sept livres, Averroès exprime son adhésion à la médecine scientifique héritée des Grecs qu'il faut concilier avec l'ensemble des traditions rassemblant les pratiques et les conseils du Prophète en matière de soins. Il souligne aussi, la nécessité de s'appuyer sur l'observation et l'expérimentation, d'avoir une connaissance globale de tout ce que la science naturelle a accumulé au plan de la dissection et de la fonction des membres.
La consultation entre médecins qu'il a prônée est un apport notable à la médecine.
1 - Tashrih al-a'lda' : De Anatomia. (Anatomie des organes) Averroès s’intéresse à l’anatomie. Il traite de 7 paires de nerfs crâniens, il décrit les nerfs rachidiens et leurs territoires d’innervation, les 4 citernes cérébrales ainsi que 2 méninges. Averroès, dans le « Colliget », se range clairement derrière Aristote et il fait du cœur le siège de la virtus cibavita et de la sensibilité générale, en réfutant les arguments anatomiques qui pouvaient être avancés. Outre ses fonctions motrices, il reconnaît au cerveau les capacités d’imagination, de réflexion, de mémorisation (mémoire d'évocation et de fixation). Il découvre que l'organe sensible de l'œil est la rétine, et annonça parmi les premiers que la rétine reçoit la lumière.
2 - al-Sihha : De Sanitate, &, de Complexione. (Santé et Physiologie) Lorsqu'on a eu la chance de guérir d'une variole, Averroès aboutit à la conclusion que la variole ne touche le malade qu'une seule fois.
3 - al-Marad : De Aegritisdinibus, & accientisbus. (Maladies et accidents) - Réponses ou conseils touchant la diarrhée - Commentaire sur le « De febribus » (Des fièvres) de Galien - Commentaire du « De temperamentis » de Galien - De spermate (Du sperme) - Questions sur la fièvre intermittente - Sur les fièvres putrides - La rage est due à la maladie du chien atteint de la rage. - Averroès souscrit, en outre, à la proposition d'Ibn Sina sur la transmission héréditaire, de père en fils, de certaines maladies.
4 - al-'Alamat : De Signis Saenitum, & Aegritudinum. (Symptômes) - Averroes a décrit une multitude de maladies, ainsi que leurs symptômes et leurs complications. Il a traité, en outre, des manifestations psychiques, telles que la colère, la tristesse, l'anxiété et l'épilepsie.
5 - al-Adwiya wa 'l-aghdhiya De Cibis, & Medicinis. (Médicaments et nourriture) - Averroes estimait qu'une alimentation saine, une eau propre et un air pur sont les garants d'une bonne santé. Il considérait que les médicaments constituent une matière étrangère au corps, nuisible au fonctionnement de certains organes en raison de leurs diverses incidences, en particulier sur le foie et les reins, dont les fonctions visent à éliminer les poisons du corps. - « En médecine il y a d'abord la parole, ensuite il y a l'herbe, ensuite il y a le bistouri. » - La chair de vipère et les herbes médicinales faisaient partie des ingrédients de base qui entraient dans la composition des médicaments.
6 - Hifz al-sihha : De Redimine sanitatis. (Hygiène) - Averroès est l'auteur de la première ébauche de description du sarcopte de la gale.
7 - Shifa al-amrad : De aegritudi num Curatione, seu Ingenio sanitatis. (Thérapie) - Averroès s'est intéressé également à la thérapeutique médicale, consacrant une bonne partie de son ouvrage « Al-Kulliyate » aux différents types d'aliments et de remèdes et à leurs effets, tout en fixant les bases à suivre pour déterminer les posologies.
À la fin de sa vie, Averroes fut condamné par les tenants d'une orthodoxie religieuse étroite de la religion musulmane qui lui reprochait de déformer les préceptes de la foi. Ses livres furent brûlés, à l'exception des ouvrages médicaux et astronomiques. Averroès tomba en disgrâce vers 1195, dut fuir et vivre dans la clandestinité. Rappelé à Marrakech, il y fut emprisonné et y mourut le 12 décembre 1198. Ses cendres furent, par la suite, ramenées à Cordoue.
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