« IL FAUT SAVOIR d’où l’on vient, pour savoir où l’on va. » Cette maxime de l’historien Fernand Braudel est devenue celle du musée de l’Assurance Maladie qui vient de fêter ses vingt ans. Une maxime pour le moins optimiste, car il n’est pas toujours facile de discerner où va notre assurance-maladie… Néanmoins, et c’est rassurant, son musée national sait parfaitement d’où elle vient.
Installé à Lormont, près de Bordeaux, dans un château du XIXe siècle, ce musée unique en son genre retrace l’histoire de la protection sociale en France. « Notre volonté est de faire passer le message de la nécessaire solidarité, entre les générations, entre les bien-portants et les malades, entre les chargés de familles et ceux qui ne le sont pas, explique Pierre Castro, président du Comité aquitain d’histoire de la sécurité sociale, qui gère ce musée militant. En ces temps de réforme des retraites, n’oublions pas les principes qui ont donné de petites retraites à des gens qui, avant 1945, n’en avaient pas. »
Des Romains à Colbert.
Riche de milliers de documents et objets venus d’une vingtaine de CPAM, ce musée nous entraîne dans un voyage aux sources de la solidarité, à travers d’étonnants témoignages historiques, comme cette stèle funéraire romaine du Ier siècle sur laquelle il est inscrit en latin que plusieurs amis d’un esclave décédé se sont cotisés pour payer ses funérailles.
Plus loin, on découvre un extrait d’un traité maritime du XIIe siècle proposant des mesures de protection des marins contre les accidents du travail et l’invalidité. Une idée reprise par Henri IV octroyant remboursements médicaux et chirurgicaux aux mineurs et développée par Colbert (1673) organisant la protection sociale des marins de la Royale : hôpitaux, soins gratuits, pensions invalidité et vieillesse, financées sur la solde des marins.
Peine de mort pour médecins complaisants.
Suivent de nombreux documents, bannières, médailles, présentant l’essor des caisses d’entraide liées, sous l’Ancien régime, aux corporations. Avec la Révolution, l’assistance devient monopole d’État : nationalisation des hôpitaux, fourniture de travail au chômeurs, secours aux indigents… Mais déjà, l’État n’a pas les moyens de ses ambitions, et nombre de ces missions seront réduites ou confiées aux communes. Demeure cependant le rôle de l’hôpital lieu de soins et bientôt d’enseignement de la médecine, et celui des hospices pour enfants abandonnés, vieillards et infirmes. Mais les rigueurs révolutionnaires n’ont pas épargné les médecins. Pour preuve, ce décret de 1793 punissant de mort ceux qui produisent de faux certificats.
La visite s’oriente ensuite sur les expériences de charité et bienfaisance développées du XVIIIe au XXe siècles : le premier tiers-payant médical et pharmaceutique, offert en 1750, à tous les Portugais et Juifs de Bordeaux, par un riche armateur dont la fortune familiale est en partie tirée du commerce triangulaire.
Puis ce sont les institutions de prévoyance, les premières sociétés de secours mutuel, la première grande loi d’assistance sociale (1893) octroyant l’aide médicale gratuite... On découvre aussi le « Bateau soupe » créé à Bordeaux en 1912, où les pauvres pouvaient se restaurer et recevoir des soins médicaux gratuits.
Le musée présente l’évolution vers le régime obligatoire d’assurances sociales (1930) et la Sécurité sociale (1945). Une occasion de saluer Pierre Larroque (1907-1997), le père un peu oublié de notre Sécu, qui, dès 1943, au sein du Conseil national de la Résistance, en élabora les grands principes. Enfin, après quelques réformes (1960, 1967, 1996), le voyage s’achève avec la CMU (Couverture maladie universelle) et la carte Vitale.
Humour et reconstitution
Outre des documents présentés de façon un peu austère, le musée national de l’Assurance maladie propose quelques mises en situation où l’historique le dispute au drolatique : mannequins portant les uniformes très « kitsch » des hôtesses de la Sécurité sociale des années 1960 ou 1970 ; et, surtout, le bureau de paiement des années 1950 reconstitué dans le moindre détail, jusqu’à sa pointeuse et sa célèbre… pendule. On le voit, l’humour n’est pas absent de ce lieu, visité l’an passé par 4 000 personnes : scolaires, associations, sociétés savantes, clubs senior, mais très peu de professionnels de santé… Dommage, l’entrée est gratuite.
* Château Les Lauriers, 8, route de Carbon-Blanc, Lormont. Du lundi au vendredi, de 14 à 18 heures (groupes sur réservation). Entrée gratuite, visite guidée ou libre (audioguide). Tél. 05.56.06.19.88. Visite virtuelle : www.musee-assurance-maladie.com.
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