Le premier chirurgien de Louis XV et Louis XVI est né à Argenton-l’Eglise, dans les Deux-Sèvres. Descendant d’une lignée de chirurgiens, Germain Pichault est placé après la mort prématurée de ses parents chez son parrain comme le veut alors la tradition.
.Après de brillantes études et avoir été apprenti chez le chirurgien qui avait succédé à son père, Le petit peuple préfère les chirurgiens aux médecins Pichault est reçu en 1719 maître chirurgien à l’issue d’un examen oral de plus de trois heures à l’académie de médecine de Poitiers.
Ses professeurs conquis par les talents remarquables du jeune homme, lui rappellent néanmoins, en lui accordant son diplôme, qu’il n’est que le serviteur des médecins et ne doit en aucun cas exercer la médecine. Un serment aussi vite oublié qu’il est prêté, Pichault pratiquant alors indifféremment la médecine et la chirurgie. Il faut bien dire que les patients préfèrent se tourner vers les chirurgiens qu’ils jugent plus dignes de confiance que vers les médecins, gonflés de leurs formules latines, et répugnant à toucher les malades. Si le petit peuple consulte aussi les chirurgiens, c’est que leurs honoraires sont abordables et que les médecins n’exercent pas en milieu rural.
Arrivé à pied à Paris !
Certain de son talent, Pichault a très vite des velléités de quitter son Poitou natal pour « aller voir du pays ». Il sollicite donc la duchesse de la Trémoille qui le recommande au grand Écuyer de France, Charles de Lorraine. Si le jeune Germain à de grandes ambitions, c’est néanmoins à pied qu’il monte à Paris proposer ses services au grand Écuyer. Coup de chance, le jour où Pichault rencontre enfin Charles de Lorraine, celui-ci vient de faire une chute de cheval et souffre horriblement du poignet. Le jeune chirurgien propose de lui faire une attelle qui le soulage immédiatement. Une grande carrière s’ouvre ainsi et l’amitié entre les deux hommes ne se démentira jamais au point que Pichault sera l’exécuteur testamentaire de l’écuyer du roi à la mort de celui-ci en 1753.
Pichault prend alors le nom de Germain Pichault de la Martinière après avoir hérité des terres de son grand-père et adopte le blason de son père en 1724. Dès lors, La Martinière va connaître une ascension irrésistible. En 1728, il est agrégé au collège de Saint-Cosme en 1728, obtenant une place de chirurgien du roi « servant par quartier ». Il entre ainsi dans la véritable armée médicale qui entoure les grands personnages de la Cour.
Une activité remarquable durant la campagne de Flandres
Pourtant, à sa demande, La Martinière quitte Versailles pour être attaché aux armées royales. Aide-major. Il fait la campagne d'Italie conduite en 1733 par le maréchal de Villars, puis participe l'année suivante au siège de Philippsburg lors de la campagne du Rhin de la guerre de Succession de Pologne. Promu chirurgien-major en 1741, il se distingue lors du siège de Prague et de la campagne de Bohême du Maréchal de Belle-Isle pour son dévouement et l’efficacité de ses soins. De retour en France, il est nommé et chirurgien-chef des Gardes-Françaises et suit à ce titre Louis XV lors de la campagne de Flandres. Son activité incessante et son héroïsme pendant le siège de Fribourg, puis, pendant une seconde campagne en 1746, lors des sièges de Mons et Namur le font remarquer du Roi. La campagne de Flandres terminée, Louis XV fait de Pichault de La Martinière son premier chirurgien. Il succède ainsi à François de la Peyronie, décédé en avril 1747. Les deux hommes entretiendront alors une profonde amitié qui se prolongera jusqu’à la mort du souverain. La nomination de La Martinière est assortie d'une étonnante prérogative : « tous maîtres, chirurgiens, barbiers, perruquiers et autres, qui exercent quelque partie de la chirurgie et de la barberie dans le royaume, lui payeront 21 sols et 3 deniers pour une fois seulement »
Obtenir la fin de la sujétion des chirurgiens aux médecins
La Martinière suit alors les brisées réformatrices de son prédécesseur, appuyé en cela par Georges Mareschal, le vénérable chirurgien de Louis XIV qui avait contribué pour sa part à la création de l’Académie royale de chirurgie en 1731. Mais l’ambition principale du premier chirurgien de Louis XV est d’obtenir l'émancipation des chirurgiens en les arrachant à la tutelle de la Faculté de médecine de Paris. Une confrontation a donc lieu entre La Martinière et François Chicoyneau, premier médecin du roi et chancelier de la Faculté. Elle aboutit à un décret du conseil d'État qui fait cesser, en 1750, la sujétion d'un corps à l'autre. Un décret royal de 1770 mettra définitivement fin à cette sujétion des chirurgiens qui remonte au Moyen Âge en faisant prêter serment au premier chirurgien « en les mains du roi à la place d'en celles du premier médecin ».
« Il n’y avait pas à transiger avec sa volonté »
En 1748, La Martinière avait déjà pris la direction de l'Académie de chirurgie et multiplié les initiatives. Ainsi, soucieux d’améliorer la formation des chirurgiens et des médecins, il obtint du roi l'édification d'un bâtiment assez spacieux pour contenir l'Académie, le Collège et la Bibliothèque de chirurgie, en remplacement du trop exigu amphithéâtre d'anatomie de Saint-Cosme, dans le fief originel de la communauté des chirurgiens de Paris. Son édification fut confiée à Jacques Gondouin en 1769, l’inauguration ayant lieu en 1774.
La Martinière installe aussi des écoles de chirurgie dans les principales villes de province et fonde à Paris l'École pratique de chirurgie où les élèves peuvent s'exercer à disséquer et à répéter les opérations sur des cadavres. En 1771, le souverain nomme La Martinière conseiller d'État. Louis XV est complètement tombé sous le charme de son premier chirurgien comme l’atteste Louis XVIII dans ses Mémoires : « Le Roi était comme un enfant docile en présence du chirurgien investi de toute sa confiance ». « Il n'y avait pas à transiger avec sa volonté » et faisait preuve d’une « franchise brutale », note-t-il aussi.
En avril 1774, La Martinière fait conduire le roi, malade, du Trianon à Versailles, contre l'avis du médecin de Madame Du Barry, qui affirme que la maladie du roi « ne serait rien ». Mais La Martinière, lui, a bien reconnu les premiers symptômes de la petite vérole qui æmportera Louis XV. La Martinière sera d’ailleurs le seul des médecins et chirurgiens qui entourent le roi qui ose diagnostiquer ouvertement la maladie et à ne pas s’embarrasser de fioritures pour affirmer « qu'il regardait le roi comme perdu », avis auquel finiront par se ranger les autres médecins. Alexandre Dumas fera de cet épisode l'épilogue de son roman « Joseph Balsamo »
Après la mort du roi, Pichaukt de La Martinière conserve sa charge de premier chirurgien auprès de Louis XVI, et là encore des liens d’amitié se tissent rapidement entre eux. Ayant consacré l'essentiel de son temps à la réorganisation de la chirurgie et de la médecine françaises, il ne laissera pas de travaux scientifiques, à l'exception d'un petit « Mémoire sur le traitement des plaies d'armes à feu ». Germain Pichault de La Martinière meurt le 17 octobre 1783, après avoir adoubé l’anatomiste Desault, dans sa résidence de campagne de Bièvres, où il est inhumé. Par testament, il laisse une somme d’argent destinée à la création de deux chaires de professeurs appointés à l'école pratique et de 10 lits dans l'hôpital pour « maladies chirurgicales peu communes » qu'il avait créé à l'école de chirurgie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature