La Catalogne sur la voie de l’indépendance

Nations européennes éclatées

Publié le 01/10/2015
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La joie de la victoire

La joie de la victoire
Crédit photo : AFP

Le cas de la Catalogne n’est pas isolé en Europe où les tendances centrifuges sont relativement nombreuses et alarmantes. On peut trouver des arguments en faveur de la spécifité catalane : une langue vivante, un dynamisme économique supérieur à celui des autres régions espagnoles, l’affaiblissement de la monarchie à la suite d’affaires de corruption qui détournent le peuple de ses dirigeants, une crise, enfin, dont les Espagnols émergent à peine.

Ce qui est incompréhensible, en revanche, c’est la passion politique des Catalans, identique à celle des Écossais, des Flamands, des nationalistes corses et des séparatistes du nord de l’Italie. Ils éprouvent une sorte de jubilation, comme s’ils avaient été réprimés et dupés par le pouvoir central, comme s’ils n’éprouvaient aucune forme de solidarité avec les Espagnols en général, comme si l’indépendance allait leur assurer un avenir radieux, alors que le processus de séparation serait au moins aussi douloureux pour eux que pour le reste du pays. Dans ces phénomènes sécessionnistes, des peuples semblent trouver un plaisir intense à s’affirmer dans l’hostilité à leur environnement, à créer une crise politique là où il n’y en a pas, à ouvrir un conflit parce que la vie de tous les jours était trop ennuyeuse. Comme les Italiens qui rêvent de la Padanie, les Catalans s’estiment volés de leur richesse par le pouvoir central. Ils vont même jusqu’à affirmer que, dans une Catalogne indépendante, ils bénéficieraient de 16 milliards de plus avec lesquels Madrid financerait les besoins sociaux des régions les plus pauvres.

Les dangers de la sécession.

Pas plus que les Écossais, les Catalans n’entendent quitter l’Europe sans se demander si l’Europe peut accueillir un nouveau membre issu d’un membre déjà partie intégrante de l’Union. Non seulement ils croient en un avenir heureux grâce à l’indépendance mais ils en obscurcissent, avec un aveuglement collectif, les graves incertitudes. Personne ne sait comment les recettes de la sécurité sociale seraient réparties, alors que ses caisses sont centralisées. Personne ne sait comment la Catalogne pourrait assurer sa défense ou ouvrir des ambassades. Personne ne semble comprendre que les fameux 16 milliards seraient très vite dépensés, que l’économie catalane marcherait beaucoup moins bien si elle ne représentait plus qu’elle-même et que, dans son fanatisme sécessionniste, cette moitié de Catalans qui croit dur comme fer à son entreprise de démolition de l’Espagne, est sourde aux appels à la prudence de l’autre moitié du peuple de Catalogne.

Car les Catalans ne sont même pas unis, ils ne sont pas tous indépendantistes. Non seulement les séparatistes souhaitent dépecer l’Espagne (car, s’ils l’emportaient un jour, les Basques et d’autres réclameraient à leur tour leur affranchissement), mais ils ne voient pas que la Catalogne de leurs rêves serait de toute façon déchirée. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, d’une victoire de la gauche contre la droite ou vice versa. Il ne s’agit pas d’une conquête de droits nouveaux. Il ne s’agit pas d’un phénomène démocratique, même s’il en a toutes les apparences. Il s’agit de créer ex nihilo un problème politique auquel il suffisait de penser pour déclencher une crise historique. Tout à coup, l’Espagnol n’est plus mon voisin, n’est plus mon frère. Je ne parle pas sa langue, je ne vis pas comme lui et je suis même beaucoup efficace que lui. Je traîne l’Espagne comme un boulet. Je dois m’en débarrasser et, dès lors que je serai libre, je pourrai enfin affirmer mon identité. C’est tout simplement anachronique quand il faut, pour réussir, composer de grands ensembles plus solides, plus capables d’affronter les vents mauvais.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Médecin: 9437