Courrier des lecteurs

Ne m'appelez plus Docteur

Publié le 02/03/2017
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Nous sommes un vendredi après-midi, un papa vient de récupérer son bébé de 7 mois à la crèche. Elle a 39°5 et tousse. Son médecin habituel ne peut la voir, il est absent pour cause de maladie.

Ce jeune papa téléphonera à 18 cabinets médicaux, oui 18 pour s'entendre dire : on ne prend pas de nouveaux patients, ou : il n'y a pas de place. Deux de ces 18 appels seront destinés à SOS Médecins avec à la clé un répondeur qui au bout de 10 minutes raccroche.

Le dernier sera un pédiatre qui lui conseille d'appeler le 15 où il sera bien reçu. Après quelques questions permettant d'exclure un problème vital, on le dirige sur un autre poste où on lui donne un rendez-vous après 20 heures dans une maison médicale à 30 minutes de chez lui.

Arrivé sur place, première question : « Comment réglez-vous la consultation ». Réponse : par carte bleue.

– On ne prend pas la carte bleue, mais vous pouvez chercher un distributeur de billets.

Imaginez ce jeune papa avec son bébé de 7 mois malade en pleine nuit, par moins 4 °C chercher un distributeur dans une ville de banlieue qu'il ne connaît pas et qui n'est pas particulièrement réputée pour sa sécurité.

Il est alors 21 h 15 lorsqu'il m'appelle en larme (il se trouve que je connais bien la famille). À plus de mille kilomètres, je lui explique comment examiner la petite, et au terme de cet examen, lui envoie par mail une ordonnance.

Dans les années 75 alors que j'étais interne, je faisais des remplacements de médecins. Devant un tel cas, le plus rapidement possible, on se rendait au chevet du petit malade. Le diagnostic était fait, le traitement prescrit et la famille rassurée. On rentrait satisfait et on avait la considération des patients, parfois même un petit cadeau du jardin dans les jours qui suivaient.

Je crains fort que ce cas ne soit pas unique. Comment en est-on arrivé à cette situation, qui sont les responsables ? Peut-on espérer retrouver des vrais médecins et non pas des techniciens de santé qui, comme les plombiers, vous donnent rendez-vous tel jour, viennent, réparent et s'en vont (en étant d'ailleurs beaucoup mieux payés).

Ne m'appelez plus Docteur, j'ai honte. Du moins en France car maintenant je vis à l'étranger, dans un pays où la disponibilité des médecins reste entière et où les médecins sont encore l'objet d'un respect sans faille.

Dr Yves Jamois, Torredembarra (Espagne)

Source : Le Quotidien du médecin: 9560