Courrier des lecteurs

Nous sommes tous des charlatans !

Publié le 08/11/2019

Interroger une base de données devrait être appris par soi-même, à défaut d’être enseigné, pour apprendre à mieux raisonner et mieux comprendre le langage. Non pas pour rendre plus humble ceux qui ne le seront jamais, mais pour les autres, pour prendre un peu de recul face aux certitudes. Une base de données valide est toujours construite autour de questions posées avant, sous peine de graves difficultés, pire, de la création facile de « souris truquées ».

Deux exemples simples. Une série de 5 garçons ou filles : Pierre, Claude, Jacques, Marie, Camille. Interrogeons la base : combien de garçons ? Deux. Combien de fille ? Une. Total (des garçons et des filles) : trois ! Eh oui, pour Claude et Camille, qui peuvent être soit une fille soit un garçon, la requête ne peut répondre que « je ne sais pas », à condition de lui poser aussi la question. Si vous cherchez le nombre de paires de jumeaux chez vos patients, algèbre de Boole oblige, les triplets ABC vont être interprétés en AB, AC, BC (donc 3 paires de jumeaux) si la requête est réalisée de façon simpliste.

Que dit l’article R. 4127-39 du code de la santé publique ? « Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite. » Un mot est à lui seul une base de données, et ici, il existe une dérive sémantique, à savoir que l’élément essentiel de la charlatanerie, celui d’abuser volontairement de la confiance d’une personne, généralement dit en état de faiblesse, pour en tirer avantage, est ici non inscrit. Utiliser au même endroit un seul mot avec deux significations différentes, c’est, pour reprendre une expression à la mode, « allumer le feu », et donc source (voulue ?) de discordes outrancières entre les individus, on le voit ici, sur ce site.

La médecine par les preuves n’est qu’un objectif. Qui peut affirmer ne jamais être charlatan, alors qu’on est loin d’avoir réponse à tout ce qui nous est soumis ? L’effet placebo des essais thérapeutique n’est-il pas que l’expression de la part de charlatanerie qui existe en tout prescripteur recruté pour les essais ? 30 % quand même ! Sauf à accuser, à la manière affirmative des psychanalystes, que tout échec est de la faute des patients, pas de la leur ! On remarquera aussi, contrairement à la logique des interrogations nécessairement précises des bases de données bien construites pour avoir une valeur réelle, qu’ici, on n’oppose pas les médications efficaces aux médications inefficaces. Le mot « efficace » n'est pas inscrit, et encore moins explicité. Et le terme « inefficace » est remplacé par l’équivalent d’un « je ne sais pas », histoire de se prémunir d’une inversion future des connaissances, pour ne pas avoir l’air, après coup, excusez du terme, con. Que penser aussi de l’emploi du mot « ou » qui a ici 3 significations mathématiques différentes dans la même phrase ! Notons enfin que cet article 39 ne s’adresse qu’aux médecins, pas aux pharmaciens !

Qui n’a jamais été obligé de prescrire d’anti-alzheimer, après passage obligé chez le neurologue, et de vanter les bénéfices de ces substances afin d’augmenter « illusoirement » l’effet placebo, ce « procédé insuffisamment éprouvé » ? Alors que si l’on relit les premières fiches de transparences, il est inscrit : « il ne faut attendre aucune amélioration… » associé à son contraire… « service médical rendu important », au seul motif inscrit : « problème de santé publique » ! Dès le départ, on était mis au courant (à condition de lire), et pourtant on a tous prescrit avec les méthodes dénoncées. Nous sommes tous des charlatans par procuration !

Qui n’a jamais prescrit dans une banale IRS des gouttes, des sirops dont le seul élément réellement soulageant est le sucre, et autres substances dangereuses ? Les politiques osent dire qu'ils nous aident par transfert de compétences, en donnant procuration aux pharmaciens qui prescrivent donc à notre place. N’oublions pas que 30 % sont presque en état de faillite, alors il ne faut pas tuer le commerce, seul moteur de notre civilisation dite de consommation ; pire, créer des déserts pharmaceutiques !

Il suffit de leur poser la question, pour les patients un médicament qui est vendu en pharmacie est obligatoirement efficace, confiance oblige. Aussi ceux qui vendent et ceux qui autorisent la mise sur le marché de tels produits illusoires sont aussi des charlatans ! La double contrainte, vous connaissez ? C’est le pire sévice que l’on puisse administrer quand on méprise : interdire et autoriser en même temps, afin d’abuser et affaiblir tout en accusant ; ce qu’on fait vivre de plus en plus quotidiennement aux individus.

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Dr Yves Adenis-Lamarre, Angoulême (Charente)

Source : lequotidiendumedecin.fr