Témoignages

Paroles de jeunes (directeurs) d'hôpitaux

Publié le 09/07/2021
Les futurs directeurs qui s’engagent dans le métier conservent leur enthousiasme. Cette génération Covid-19 a effectué son premier stage en pleine crise sanitaire. Retour d’expérience pour ces futurs directeurs post-Ségur.

Crédit photo : EHESP

À l’École des hautes études en santé publique (EHESP), les futurs directeurs n’ont même pas peur. Lorsqu’on effectue son premier stage en pleine crise sanitaire où la solidarité entre administratifs et soignants a été exemplaire, l’engagement dans le service public est plutôt renforcé. Pour autant, le choix de l’école de Rennes n’est jamais le fruit du hasard. Même si les itinéraires empruntent des voies différentes. Maïté Bouchez par exemple lors de ses études à Sciences-Po s’est d’abord orientée vers la recherche en sciences humaines en suivant un master en sociologie. Elle découvre alors le secteur de la santé en travaillant sur les hésitations vaccinales dans le grand public. « La santé est au cœur de tous les débats de société. Elle illustre les questions d’inégalités sociales. Elle met en acte les politiques publiques. J’ai ensuite travaillé un an à l’Inserm en menant mes recherches sur les vaccins. Mais chemin faisant, je m’éloignais du terrain. C’est alors que l’on m’a encouragée à passer le concours. La carrière de directeur d’hôpital permettait de travailler les questions de santé, d’être investie dans le service public et de régler en équipe des problèmes concrets. »


Troisième voie
Pour Louis-Jacques Foresti, le chemin qui a conduit à Rennes a emprunté de nombreux détours. « Je suis issu du concours de la troisième voie. Il a été mis en place depuis vingt ans à l’Ena mais très récemment à l’EHESP. Cinquante postes sont réservés aux étudiants de droit et de Sciences-po, 30 postes pour les fonctionnaires du service public après quatre ans d’ancienneté. Latroisième voie offre 5 postes. Sont éligibles à passer ce concours les candidats disposant d’une ancienneté de huit ans dans le secteur privé ou dans des mandats électifs. J’ai, en ce qui me concerne, travaillé vingt ans dans le secteur privé après avoir obtenu un master 2 en finances à l’université Paris-Dauphine et un master 1 de droit public suivi d’un master 2 du droit des affaires. J’ai occupé des postes de contrôleur de gestion au sein de Renault, d’Orange. J’ai connu dans cette dernière entreprise la grave crise sociale qui a conduit à plusieurs suicides. Cela ne correspondait pas à mes valeurs. Et j’ai décidé de rentrer dans la fonction publique en divisant par deux mon salaire il y a six ans. J’ai commencé par un poste d’attaché d’administration hospitalière avant de travailler dans un hôpital de l’Essonne et de passer le concours. »


Ressentiment de la part des médecins
Quant à Louise Villeneuve, son itinéraire est le plus classique : Sciences-Po Paris et master de politiques publiques. « Ce qui m’a conduite à l’EHESP, c’est la question de l’égalité de l’accès aux soins qui est portée par l’hôpital public. On doit garantir ce bien commun qu’est la santé à toute la population. » Mais après la protection offerte par l’école, la rencontre avec les soignants a bien produit sinon un choc du moins la perception du ressentiment des médecins envers les directions hospitalières. « Le climat social était dégradé dans un certain nombre d’établissements. Certaines critiques sont justifiées, souligne Louise Villeneuve. On a demandé aux administrations hospitalières de faire des plans de performance les uns après les autres. Ils se traduisent souvent par des suppressions de postes qui ont un impact sur les conditions de travail des soignants. C’est là la dure condition du directeur d’hôpital qui doit à la fois gérer l’institution et assurer l’exercice professionnel des agents dans le meilleur environnement possible, tout en tenant les cordons de la bourse. Toutefois la crise sanitaire a fait éteindre la plupart des critiques. Les équipes médico-soignantes ont compris l’importance des enjeux logistiques et des ressources humaines dans l’hôpital. » Impression partagée par Maïté Bouchez : « Lors de mon stage d’élève directeur, j’ai travaillé à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP de Paris). J’ai eu le sentiment de travailler dans une ambiance brillante d’intelligence collective avec tous les métiers de l’hôpital. » Ce souffle d’optimisme est loin d’être naïf. Il est teinté d’interrogations sur la gouvernance idéale, voire sur la légitimité des directeurs.
Quant à la crise sanitaire, aura-t-elle été une parenthèse enchantée avec ces équipes soudées autour du même objectif ? Cette belle dynamique survivra-t-elle avec le retour au normal ?
Ces trois jeunes directeurs disposeront rapidement d’une réponse. En janvier prochain, Maïté Bouchez prend son premier poste à l’hôpital Robert-Debré comme directrice des ressources humaines. Louise Villeneuve se destine également à la prise en charge des ressources humaines et des affaires médicales à l’hôpital d’Armentières rattaché au CHU de Lille. Quant à Louis-Jacques Foresti, il prend le large. Et sera affecté comme directeur adjoint en charge des finances au centre hospitalier de Mayotte. Rendez-vous dans dix ans ? •


Source : lequotidiendumedecin.fr