Éditorial

Patate chaude

Publié le 18/09/2015
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Crédit photo : ©PHANIE

En voilà une qui ne mâche pas ses mots ! La plupart de nos lecteurs ne connaissaient probablement pas Marie Prost-Coletta qui, au 17e étage d’une tour de La Défense, planche depuis 2009 sur la mise aux normes des établissements recevant du public. Gageons que son ton, direct et sans trop de précautions sémantiques, fera du bruit dans le Landerneau des cabinets médicaux. Car la Déléguée ministérielle à l’accessibilité ne connaît pas la langue de bois. Quitte à asséner leurs quatre vérités aux médecins de ville et à leurs syndicats. Ce discours choquera sûrement certains généralistes qui considèrent avoir mieux à faire à soigner leurs patients qu’à se transformer en architecte d’intérieur. Mais il a au moins le mérite de la franchise et de la clarté. Sur ce sujet, Le Généraliste a sollicité trois ministres avant elle. Tous se sont défilés…

Et pour cause… Si le dossier de l’accessibilité est la patate chaude de cette rentrée, c’est qu’il est emblématique des problèmes de la médecine générale. Certains parleront de crise démographique ou de croissance, d’autres de malaise profond. Le fait est que les symptômes sont là. La profession est encore largement sous-équipée, et fonctionne souvent sur un modèle artisanal. Quoique devenue spécialité, elle reste sous-estimée. ? Désormais en sous-effectif, elle peine à attirer les vocations dans les campagnes. Elle demeure sous-rémunérée au regard de nos voisins et de la charge de travail. Et, bien sûr, sous-représentée à la fac. En résumé, beaucoup de sous (-entendus), mais pas assez de sous (sonnants et trébuchants)… Et, dans ce contexte, la mise aux normes pour l’accès aux handicapés passe mal dans les cabinets, même si cela tient un peu du paradoxe. Les généralistes ne sont-ils pas depuis longtemps en première ligne pour la prise en charge des patients à mobilité réduite, à commencer par les âgés, nombreux parmi leurs malades ?

Entre les médecins de ville et les pouvoirs publics, la situation confinera-t-elle bientôt au blocage sur ce dossier ? Réponse dans les semaines qui viennent, puisqu’on est à J-10 du dépôt des fameux « Adap ». En tout cas, la « Madame accessibilité » du gouvernement prend le contre-pied de la consigne de MG France : il faut absolument déposer son formulaire Cerfa, fut-ce après la date limite du 27 septembre, martèle-t-elle. Et pour le reste, relevons tout de même une lueur d’espoir. Elle ne ferme pas complètement la porte aux dérogations, un bon nombre ayant déjà été accordées… À bon entendeur…


Jean Paillard, directeur de la rédaction

Source : lequotidiendumedecin.fr