Essai

Plaidoyer pour une écoute active des patients

Publié le 12/09/2022
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Si mon médecin m’écoutait, traduit en français cette année, est un ouvrage nourri par la volonté d’encourager l’écoute active dans la relation de soin. Avec sagesse et pragmatisme, le Pr Fergus Shanahan s’adresse aux professionnels de santé et partage sa vision humaniste de l’exercice médical.

Crédit photo : Les Arènes

« Voici le livre que j’aurais voulu lire avant de m’engager dans une vie de soignant », confie le Pr Fergus Shanahan dès les premières lignes de Si mon médecin m’écoutait. Et en effet, si le titre de l’ouvrage peut d’abord laisser penser qu’il s’adresse aux patients, il s’agit avant tout d’un manuel dédié aux professionnels de santé, notamment confrontés à des patients atteints de pathologies graves.

De quoi est-il question dans ce livre engagé et pragmatique ? D’écoute active, principalement. Pour ce professeur de médecine spécialisé en gastro-­entérologie, le dialogue entre patient et médecin est le « socle de toute thérapie efficace ». Son ouvrage n’est ni plus ni moins qu’un plaidoyer pour une approche « plus réfléchie des mots dont on entoure la maladie ».

L’auteur explique ainsi que les mots, quand ils sont bien choisis, peuvent aider le malade à vivre sa pathologie et parfois à guérir. Et incite, par exemple, ses confrères à utiliser le lexique des patients quand ils s’adressent à eux, à les ménager en n’employant pas de mots traumatisants, à éviter d’interrompre le malade (dans deux tiers des cas, les médecins « interrompraient leurs patients au bout de vingt secondes »). Il les invite également à rester attentifs à leur propre langage corporel pour éviter toute interprétation malencontreuse du patient, à accompagner la prescription médicamenteuse d’un message positif ou encore à assurer verbalement le malade qu’il peut « compter » sur le praticien s’il y a la moindre chance qu’il s’en sorte.

Accorder une place aux ressources du malade

Fort de son expérience – il a 40 ans de médecine au compteur –, le Pr Shanahan estime que le fait de ne pas répondre aux peurs des patients « est toujours une occasion manquée » et enjoint les professionnels de santé à prendre davantage en considération leur détresse : souffrances physiques mais aussi sentiment d’impuissance, colère, solitude face à la maladie, peur de l’inconnu, angoisse de la rechute ou déni. Concernant le déni, il estime notamment important d’adopter un langage « direct sans être agressif » et « transparent sans être technique » afin d’aider le patient à défier plutôt que nier la maladie.

L’une de ses techniques pour obtenir de précieuses informations de la part du malade consiste à « bavarder » avec lui. Son ouvrage rappelle ainsi qu’il faut du temps pour qu’un patient se sente en confiance et que cette dernière « est rarement accordée à un médecin pressé ». Entre autres anecdotes, l’auteur raconte le cas d’un retraité sujet à de surprenants épisodes d’hépatite sévère et qui avait déjà, en vain, consulté plusieurs confrères et eu « le must des examens » plusieurs fois. C’est parce qu’il s’est intéressé à ce que le patient faisait de son temps libre que Fergus Shanahan a découvert, à l’issue d’une kyrielle de questions, que le produit qu’il utilisait pour nettoyer ses fusils de chasse – qui contenait du tétrachlorure de carbone – était à l’origine de la mystérieuse inflammation.

Mener une conversation d’égal à égal permettrait par ailleurs d’associer le patient à l’élaboration de la solution : en adoptant une attitude moins pontifiante et en accordant « une place au savoir et aux ressources du patient », le professionnel de santé l’aide à changer de comportement, considère l’auteur, qui n’hésite pas à parler de « coaching ».

Fergus Shanahan évite bien heureusement l’écueil de la semonce, ne prenant pas ses confrères de haut. Sa réflexion enthousiasmante et salutaire, qui parlera à tous ceux qui ont à cœur d’améliorer la relation de soin, est toujours amenée avec simplicité et sagesse.

Céline Reichel

Si mon médecin m’écoutait, Fergus Shanahan, éditions Les Arènes, 20,90 euros, 360 pages


Source : lequotidiendumedecin.fr