Polémique en Espagne sur les conditions dans lesquelles sont pratiqués les avortements thérapeutiques

Publié le 23/02/2016
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Le débat sur les modalités de l’interruption thérapeutique de grossesse est réapparu le 18 février en Espagne, au moment où le pays commence à s’inquiéter de la lenteur des négociations pour former un gouvernement après les élections générales du 20 décembre dernier.

Plusieurs plaintes, déposées ces dernières semaines en Galice (nord-ouest de l’Espagne), ont été rendues publiques pour dénoncer les mauvaises conditions dans lesquelles se déroulent certains avortements thérapeutiques dans les hôpitaux publics de la région. Et un rassemblement, regroupant des professionnels de la santé, des responsables politiques et des mouvements associatifs, a eu lieu devant l’hôpital public universitaire de La Corogne.

La dernière loi espagnole sur l’avortement, votée en octobre 2009 pendant le gouvernement du socialiste Jose Luis Rodriguez Zapaterro, autorise l’avortement jusqu’à la 14e semaine de grossesse et la 22e semaine pour les cas de malformation du fœtus.

En septembre 2015, le gouvernement conservateur sortant de Mariano Rajoy, après avoir essayé sans succès en 2013 de faire adopter une loi interdisant l’avortement sauf en cas de viol ou de malformation du fœtus, a modifié l’article le plus polémique de la loi de 2009 qui permettait aux mineures âgées de plus de 16 ans d’avorter sans le consentement de leurs parents ; un consentement qui est maintenant requis. 

Entre 2011 et 2015, 169 avortements

Le président du gouvernement régional, le conservateur Alberto Nuñez Feijoo qui a annoncé une enquête sur les plaintes récentes, a pourtant défendu la réglementation régionale en vigueur : l’assistance médicale complète (avec notamment l’option d’une anesthésie épidurale) est assurée uniquement si la femme enceinte, qui se soumet à un avortement thérapeutique après 14 semaines de gestation, accepte d’être transférée dans une clinique privée de Madrid. Depuis 2011 et jusqu’à 2015, 169 avortements thérapeutiques ont été réalisés sur des patientes de la région, dont 85 dans les hôpitaux de la santé publique de Galice (le SERGAS) et presque autant dans des cliniques privées de Madrid.

Objection de conscience

Jose Luis Doval, chef du service de gynécologie et obstétrique de l’hôpital public de Ourense, a assuré le 18 février que la Santé publique de Galice (le SERGAS) ne réalise pas d’avortement après la 10e ou la 11e semaine, période à partir de laquelle la méthode médicamenteuse ne peut plus être utilisée, parce que « la loi espagnole d’objection de conscience pour les professionnels de la santé leur permet de décider pour chaque cas concret quelle sera leur attitude ».

Or « un avortement thérapeutique à la 18e ou 20e semaine, rappelle le Dr Doval, peut se prolonger plusieurs heures, et même durer plus de 24 heures ; c’est pourquoi, avec les changements d’équipes à 15 h et à 22 h dans un hôpital public, il est très difficile de garantir la présence de professionnels sans qu’il y ait des cas d’objection de conscience. C’est pour cela que nous proposons de rétablir une ou deux équipes permanentes de référence en Galice, comme celle qui existait jusqu’en 2009 et qui a été supprimée suite à un conflit pour une question de rémunération. » Mais le gouvernement régional de Nuñez Feijoo a d’ores et déjà écarté l’idée d’engager plus de professionnels. 

Christophe Deschamps

Source : lequotidiendumedecin.fr