Les particules diesel accentuent l'effet des pollens

Pollution et rhinite allergique : des liens intimes

Publié le 18/04/2019
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Crédit photo : Phanie

« En 1968, seuls 3,8 % des occidentaux étaient atteints de rhinite allergique. L'augmentation fulgurante de cette pathologie et des maladies allergiques, en général, est liée à une interaction entre des prédispositions génétiques et des phénomènes environnementaux (qualité de l'air, de l'eau, lieu de naissance, médicaments utilisés....). La pollution joue un rôle important dans leur survenue », souligne le Dr Isabelle Bossé, allergologue et présidente du Syndicat français des allergologues (Syfal). Etats-Unis et Europe ont été les premiers continents à souffrir de l'augmentation des maladies allergiques. Mais aujourd'hui, d'autres pays, tels que ceux d'Asie du Sud Est, ont développé des taux d'allergie bien plus importants (supérieurs à 40 %). Par ailleurs, au niveau mondial, les caractéristiques de la pollution de l'air ont évolué depuis une quarantaine d'années. Dans les années 1970, il s'agissait essentiellement de pollution industrielle composée de très grosses particules. Actuellement, la pollution n'est plus liée aux sites industriels. Elle est principalement due à la circulation automobile : la pollution est, ainsi, plus oxydative et particulaire. Les véhicules diesel étant les principaux polluants.

Le rôle de la pollution extérieure et intérieure...

En France, le taux de PM 10 (particules dont le diamètre est inférieur à 10 micromètres) toléré est de 50 microgrammes par m3 d'air et cela, pendant 35 jours. Au-delà, l'air est considéré comme étant pollué. « De nombreuses études ont démontré les effets de la pollution sur les maladies allergiques. Globalement, les particules diesel ont un effet délétère sur l'asthme. L'augmentation de la prévalence des sensibilisations chez des sujets qui sont nés et qui habitent près de zones de fort trafic routier n'est plus à démontrer », indique le Dr Bossé. Par ailleurs, l'effet d'une forte valeur en composés organiques volatiles (COV) de l'air sur l'irritation des muqueuses respiratoires (augmentation des rhinites et de l'asthme) est bien documenté dans la littérature. Les hydrocarbures aromatiques (issus du chauffage et des appareils à gaz) ont également un impact direct sur le développement immunologique des nouveaux nés. Ils augmentent le nombre et la durée des infections des voies respiratoires. La pollution joue, en outre, un rôle néfaste sur les pollens qui à leur tour, deviennent délétères pour les humains. « La pollution altère la taille, la forme, le métabolisme, la vitalité et les caractéristiques physiologiques des graines de pollens. L'ozone est un facteur de stress oxydatif pour le pollen, induisant une augmentation de la concentration d'allergènes majeurs », note le Dr Bossé. La pollution intérieure est également responsable de maladies allergiques. Les particules fines qui se trouvent dans les habitations sont les mêmes que celles de l'extérieur, même si elles n'ont pas les mêmes sources d'émission. « La cuisson au bois et au charbon n'existe plus France. Mais les intérieurs peuvent être pollués à cause du tabagisme, des encens et bougies, des moisissures et des pollens qui peuvent y entrer. Sans oublier les COV liés aux meubles et aux matériaux de construction (benzène, formaldéhydes...), et les allergènes liés aux animaux domestiques. Toutes ces particules induisent une inflammation des muqueuses. Elles modifient le système immunitaire, en augmentant l'incidence des pathologies allergiques », affirme le Dr Bossé.

… et son impact sur l'apparition des allergies

Deux mécanismes distincts expliquent l'impact de la pollution sur la survenue d'allergies. « Les particules diesel, le NO2, le SO2 et l'ozone augmentent la synthèse des IgE, en favorisant une réponse TH2 inflammatoire. Les particules diesel peuvent également se combiner à des allergènes de pollens ou de chats et les faire pénétrer plus profondément dans les voies respiratoires. Autre mécanisme : les polluants peuvent augmenter l'inflammation des voies respiratoires. Les particules diesel, par exemple, entraînent une augmentation de sécrétion d'IL4, d'IL6 et d'histamines dans les muqueuses nasales. Ils agissent donc sur les allergènes (notamment sur les pollens) et sur notre système immunitaire », explique le Dr Bossé. Enfin, l'exposition de la pollution peut entraîner, dès la conception, des problèmes d'ordre épigénétiques (tels que la méthylation de l'ADN et la modification des histones) à l'origine de maladies allergiques.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9742