Pratique sportive chez la femme

Pour une gynécologie du Sport

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Publié le 03/03/2016
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Crédit photo : PHANIE

L’explosion des épreuves de masse et des défis d’endurance sportive permet à un nombre de femmes toujours croissant de pratiquer un sport de façon intensive tout au long de l’année. Les fédérations sportives promeuvent activement le sport féminin.

En évoquant la problématique gynécologique des sportives (occasionnelle, intensive, professionnelle ou de haut-niveau), on pense d’abord à la gestion des règles et à la contraception. Pour le Dr Thierry Adam, gynécologue, et médecin élu du Conseil fédéral de la fédération française de cyclisme*, la question des règles existent mais elles ne sont pas plus problématiques chez les sportives que dans la population générale. « La majorité des sportives ne sont pas gênées par leurs règles et en aucun cas il ne faut pousser pour décaler des règles qui ne les gênent pas, dans la mesure où le déficit énergétique est bien géré ». On estime que 70 % des sportives sont indifférentes à leurs règles, même chez les cyclistes qui peuvent passer jusqu’à 5 heures en selle. « On voit même des filles qui ont plus de force et de combativité sportive (10 % d’entre elles) pendant leurs règles », selon le Dr Adam. Au-delà de ces questions, le Dr Adam milite pour plus de reconnaissance de la gynécologie du sport et pour une prise en charge plus spécifique de la femme sportive.

Mieux former les médecins

Il faut augmenter la formation et les connaissances des médecins généralistes, des gynécologues et certainement des médecins du sport sur les pathologies féminines liées à la pratique du sport. Auteur du livre « Gynécologie du sport » (1), il explique que « certes les sportives n’ont pas de tabou pour parler de leurs problèmes gynécologiques mais encore faut-il qu’elles soient en confiance et qu’elles trouvent une écoute attentive et des compétences pour répondre correctement à leurs interrogations et pour traiter leurs problèmes ». Les sportives ont une connaissance précise du fonctionnement (et des dysfonctionnements) de leur corps. Les médecins doivent donc apporter une aide sur des sujets aussi divers que les saignements continuels, la prévention des complications de l’ostéoporose chez les sportives aménorrhiques, l’hypertrophie mammaire, les problèmes de déficit énergétique (avec carences alimentaires (2) et troubles alimentaires), la prise de poids des sportives sous contraceptifs, les problèmes de périnée (lymphœdème chronique vulvaire, folliculites, furoncles chez la cycliste), la gestion de la grossesse et le retour à la compétition. Les femmes sportives attendent désormais davantage de réponses pour gérer au mieux leurs performances comme les hommes.

Optimisation des performances

La gynécologie du sport ne se limite donc plus aux problèmes gynécologiques mais cette nouvelle discipline s’ouvre à l’optimisation des performances. Et c’est une nouveauté, certainement en France. On parle maintenant de l’influence phasique des hormones féminines sur la performance (temps de réaction, fatigabilité musculaire, utilisation des substrats énergétiques) et en conséquence la périodisation de l’entraînement (privilégier l’entraînement en période folliculaire plutôt qu’en période lutéale) est une problématique nouvelle. Il manque encore une formation adaptée : Des enseignements spécifiques dans des cursus de médecine du sport et même des consultations de gynécologie du sport dans des Pôles d’entraînements devraient voir le jour dans un avenir proche.

* ancien médecin sur la Grande Boucle Féminine Internationale (anciennement Tour de France Féminin).

(1) « Gynécologie du sport : risques et bénéfices de l’activité physique chez la femme », 2012, éditions Springer (2) L’Union Cycliste Internationale (UCI) peut accorder une dérogation à la règle « no needle » dans le but de soigner une carence en fer par l’injection de fer par voie intraveineuse.

Emmanuel Lepoul

Source : Le Quotidien du médecin: 9476