Poursuivi, un généraliste signataire de la tribune anti "Fake médecines" assume

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Publié le 10/04/2018
Ordre des médecins

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Crédit photo : GARO/PHANIE

La bataille à laquelle se livrent les signataires de la tribune anti « Fakes médecines » et les défenseurs des médecines à exercice particulier (MEP) a pris un tournant ce mardi. Plusieurs praticiens ont en effet appris ce jour leur assignation devant leur Ordre départemental par plusieurs syndicats représentant les MEP.

Après la parution de la tribune, qui réclamait l’arrêt du remboursement de l’homéopathie par l’Assurance maladie et de ne plus reconnaître les diplômes d’homéopathie, de mésothérapie ou d’acupuncture comme des diplômes ou qualifications médicales, le Dr Meyer Sabbah, président de l'Union Collégiale, avait menacé d'engager des poursuites pour anti-confraternité à l'encontre des signataires.

Alors que le Dr Sabbah avait indiqué que les plaintes viseraient les médecins les plus en vue médiatiquement, des généralistes moins en vue figurent parmi les assignés. Il semble que ce soit en fait les premiers signataires identifiables qui aient été visés.

Le Généraliste s'est procuré le courrier notifiant l'assignation de l'un d'eux.

Vincent Ropars, généraliste remplaçant dans le Finistère, quatrième de la liste des signataires, a été averti de son assignation par un appel de son Ordre départemental. Il répond aux questions du Généraliste.

Vous avez appris votre assignation ce matin, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Vincent Ropars. Je suis partagé entre plusieurs sentiments. J’étais un peu sous le choc initialement. Il y a surtout beaucoup de colère et d’incompréhension. Je ne pensais pas l’Union Collégiale irait jusqu'à poursuivre certains signataires de la tribune, comme elle menaçait de le faire.

Pour quel motif êtes-vous poursuivi ?

VR. Leur principal argument est la non-confraternité, c’est incompréhensible ! Notre tribune visait des pratiques et non des praticiens. C’est inquiétant que des confrères qui nous accusent de ne pas être confraternels, ne le soient pas à leur tour. Ils nous opposent l'article R.4127-13* du code de la santé publique alors que notre démarche se base véritablement sur des études confirmées. L'Académie de médecine, celle des Sciences se sont déjà exprimées sur le sujet. C’est bizarre d'arguer de tels arguments alors qu’on a respecté la démarche.

Vous êtes invités à une réunion de conciliation…

VR. Effectivement. On ne sait pas si l'action engagée va s’arrêter là ou aller plus loin. Je ne prends pas cette démarche à la légère. Ces personnes sont allées jusqu’à se plaindre, il faut quand même les écouter. Au vu des principaux arguments avancés, je suis plutôt confiant. Nous avons déjà beaucoup échangé entre signataires, nous élaborons notre défense.

Et quel sera votre axe de défense ?

VR. Je ne vais pas nier que j’ai signé. Nous n'avons fait qu’exprimer une opinion et suivi des recos des Académies de médecine et des sciences. Je peux comprendre que certaines personnes se soient senties visées. Mais je le répète, la tribune ne vise pas des personnes mais des pratiques. Je regrette que la réponse soit portée sur le terrain judiciaire. C’est la preuve qu'il n'y a pas d’arguments solides à nous opposer. On passe de l’argumentation à l’intimidation.

Avez-vous peur ?

VR. Vous dire non serait faux. Mais c’est surtout de l’appréhension. Paradoxalement, cette volonté de nous intimider renforce notre conviction. Je suis plutôt fier d'avoir signé la tribune.

Regrettez-vous la forme de la tribune, jugée par certains agressive, et êtes-vous prêt à présenter des excuses, comme le réclame l'Union Collégiale ?

VR. Non, je n'ai pas de regret sur la forme et je verrai quelle attitude adopter en fonction de ce qui va m’être conseillé. Même si la tribune est un peu abrupte, elle a pu être précisée par des intervenants dans les médias. Je trouve hallucinant que des personnes nous poursuivent devant l'Ordre parce qu'on a osé signer cette tribune. Rien que pour cela : je vais me défendre. Il risque d’y avoir un effet Streisand ! (Barbra Streisand avait poursuivi l'auteur d'un cliché de sa résidence. La publication de la procédure avait alors considérablement fait connaître l'image auprès des internautes américains, ndlr). Plus on cherchera à nous faire taire, plus ce sera relayé. La démarche de l’Union Collégiale ne peut que nous faire de la publicité.

Si c'était à refaire, signeriez-vous la pétition ?

VR. Oui, sans l'ombre d'un doute.

* « Lorsque le médecin participe à une action d'information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il doit se garder à cette occasion de toute attitude publicitaire, soit personnelle, soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours, soit en faveur d'une cause qui ne soit pas d'intérêt général. »

Propos recueillis par Stéphane Lancelot

Source : lequotidiendumedecin.fr