Précarité : MdM exhorte le gouvernement à sortir de son « inertie désespérante »

Publié le 19/10/2015

Crédit photo : Phanie

Début octobre, la Banque mondiale affirmait que, selon ses dernières analyses, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté avait « largement diminué ». L’INSEE indiquait, pour sa part, que les personnes les plus modestes avaient connu en 2013 « la première augmentation de leur niveau de vie depuis le début de la crise en France ». Et pourtant… les témoignages des personnes sur le terrain offrent un autre son de cloche.

À l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, l’association Médecins du monde (MdM) a présenté les résultats de son rapport annuel sur l’accès aux droits et aux soins des plus démunis en France, issu de près de 40 000 consultations médicales et 22 000 consultations sociales réalisées en 2014. « Ce que nous apprend ce rapport, c’est que la précarité se développe encore, avec des indicateurs de gravité qui sont toujours de plus en plus présents », a annoncé le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France chez MdM, lors de la conférence de presse organisée sous une tente installée place de la République, à Paris, offrant – avec les 5 degrés Celsius de cette matinée – un aperçu de ce que peuvent endurer au quotidien les populations les plus précaires.

Un système sanitaire défaillant

Plus de 98 % personnes reçues en 2014 dans un de ses 20 centres de soins MdM vivaient sous le seuil de pauvreté ; plus de deux tiers ne disposaient pas d’un logement stable et un quart ne possédaient aucune ressource. Alors que plus de la moitié des personnes souffraient d’une maladie chronique, près de 40 % présentaient un retard de recours aux soins, « pour les soins dentaires, ophtalmologiques, mais aussi de plus en plus pour les soins courants, ce qui montre bien qu’il y a des difficultés d’accès aux soins et que notre système est défaillant », martèle le Dr Corty.

La 6e puissance mondiale doit pouvoir proposer autre chose que des tentes

En ouverture de la conférence, le Dr Françoise Sivignon, présidente de MdM, a notamment mis l’accent sur les conditions « inhumaines » dans lesquelles vivent actuellement les 6 000 migrants entreposés à Calais. Les associations humanitaires sur place interviennent en opération d’urgence « avec des modes opératoires que l’on a généralement à l’internationale, dans des zones de conflits, de catastrophes naturelles... Ceci parce que les réponses de l’Etat sont largement sous-calibrées ». Le Dr Corty renchérit : « Aujourd’hui la France, 6e puissance économique mondiale, doit pouvoir proposer autre chose que des tentes… Si on bascule dans le registre politique de l’humanitaire, c’est parce que les autorités assument leur réponse sous-calibrée. »

Ce dernier confie avoir rencontré la ministre de la Santé la veille, « qui faisait mine de découvrir cette réalité », s’insurge-t-il, précisant cependant que le ministère a lancé dès ce lundi, et pour une semaine, une mission médicale à Calais « pour apporter des solutions concrètes ». « Nous avons déjà ces solutions, et nous sommes prêts à leur transmettre nos activités pour qu’enfin ils puissent faire leur travail. »

Les oublis du projet de loi de santé...

Par ailleurs, MdM salue certaines mesures du projet de loi Santé, comme la généralisation du tiers payant et l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, l’association déplore que certains sujets aient été « complètement écartés », note le Dr Sivignon. Notamment, la simplification du dispositif d’accès aux soins, en fusionnant par exemple l’aide médicale d’état et la couverture médicale universelle. Le Dr Sivignon exhorte également à continuer de travailler sur le développement de dispositifs d’accès aux soins de proximité pour les populations les plus précaires.

Une opposition au brevet sur le sofosbuvir

Enfin, troisième axe mis en avant dans le rapport : la nécessité de promouvoir un débat public autour de la fixation du prix des médicaments. « Il faut plus de transparence à propos de ce qu’il se passe au sein du comité économique des produits de santé, où se discutent les prix, précise le Dr Corty. Les associations de malades et celles qui luttent contre les inégalités devraient pouvoir intégrer ces réunions. »

MdM condamne notamment le prix exhorbitant du sofosbuvir, médicament qui permet désormais de guérir l’hépatite C, mais qui entraîne également – de par ses 40 000 euros le traitement de trois mois – un rationnement des soins. Il y a quelques mois, MdM a fait partie d’un consortium à avoir déposé une opposition au brevet sur le sofosbuvir auprès de l’Office européen des brevets, dont les résultats devraient être connus l’été prochain.

Clémentine Wallace

Source : lequotidiendumedecin.fr