À deux semaines des élections européennes, trois candidats au scrutin et un député sortant étaient mercredi les invités des Contrepoints de la Santé. L’occasion pour Nora Berra (UDI), François Desriaux (EELV), le Pr Véronique Trillet-Lenoir (En Marche-Modem) et le Pr Philippe Juvin (LR) de débattre de l’influence des lobbies sur la politique européenne.
Interrogée sur les mesures phares à phares à prendre en matière de santé à l’échelle européenne, Véronique Trillet-Lenoir a érigé la prévention en priorité. Pour protéger les citoyens européens contre les facteurs environnementaux délétères à la santé ou encore la pollution de l’air, la candidate de la liste Renaissance (En Marche-Modem) souhaite la création d’une « force sanitaire européenne qui évaluera de manière experte, indépendante et argumentée l’ensemble des substances toxiques qui nous menacent ».
« Je me suis engagée à prendre des mesures de transparence et de lutte contre les lobbies, tous les lobbies. Ceux des industries du médicament, de l’agroalimentaire ou du tabac, a-t-elle ajouté. Mais aussi et surtout ceux d’influence ». Et Véronique Trillet-Lenoir d’afficher sa détermination à lutter contre « les influenceurs qui ont pour principal objectif de nier l’immense progrès pour l’humanité qu’a été la vaccination » et responsables selon elle de la recrudescence des cas de rougeole actuellement observée en Europe.
De la nécessité de rencontrer les lobbies
« Cette force européenne existe déjà, cela s’appelle la Commission européenne », lui a rétorqué Philippe Juvin, qui n’a eu de cesse de combattre les idées reçues sur le fonctionnement des instances européennes.
« Quand j’entends dire : "on va lutter contre les lobbies", cela m’irrite », a-t-il poursuivi. Député européen sortant, ce médecin de formation a souligné que contrairement à leurs homologues français, les députés européens ne faisaient pas que voter les lois mais les rédigeaient.
« Pour écrire la loi, il faut être éclairé. En tant que parlementaire européen pendant dix ans, je n’ai cessé de voir des lobbies, qu’ils soient pour ou contre. L’important est d’avoir l’esprit indépendant et critique sur leur message, estime Philippe Juvin. Les lobbies m’ont servi dans toutes les lois, y compris pour ne pas faire ce qu’ils me demandaient de faire ! » Assurant être consciente de la nécessité de les rencontrer, Véronique Trillet-Lenoir a ensuite précisé sa pensée : « il faut lutter contre leur pouvoir intrusif, qui est à l’origine d’un certain nombre de scandales sanitaires ».
De son côté, Nora Berra, ancienne secrétaire d’État chargée de la Santé a abondé dans le sens de Philippe Juvin. « Mener une guerre contre les lobbies n’a pas de sens. J’ai été rapporteure d’un règlement sur les dispositifs médicaux et il m’a fallu rencontrer les acteurs économiques en charge de l’innovation, les associations de patients, les caisses de sécurité sociale, les autorités de santé nationale, explique-t-elle. Il faut faire l’ensemble des consultations pour dégager un avis éclairé et pragmatique. »
« Les élus ne sont pas des marionnettes. Nous avons suffisamment de recul et de compétences pour fixer les limites cet exercice », assure Nora Berra, qui vise une réélection.
Indispensable transparence
Le candidat EELV François Desriaux rappelle quant à lui qu’il existe deux types de lobbies. Ceux qui défendent des intérêts privés et ceux qui défendent l’intérêt général (associations, ONG…). « Il faut évidemment voir tout le monde : nous avons besoin d’avis car nous ne sommes pas omniscients », confie-t-il.
Néanmoins, ce député admet que « compter sur l’intégrité de chaque député » n’est pas suffisant. Il suggère donc la création d’une haute autorité de la transparence européenne, qui serait chargée de vérifier l’absence de conflits d’intérêts au sein des institutions européennes et appelle, comme ses collègues, à une « transparence absolue ». « Il faut que les lobbies que vous rencontrez soient déclarés publiquement », confirme Philippe Juvin.
Pour François Desriaux, cette transparence est indispensable pour éviter un nouveau scandale. « L’attitude de la Commission européenne sur le glyphosate prouve bien qu’il y a un problème de transparence, estime-t-il. La commission a minimisé le danger des perturbateurs endocriniens, minimisé les textes qui sont parus, pour ne pas dire qu'il les a vidés de leur substance ! »
« C’est cela qui décrédibilise l’Europe auprès de nos concitoyens. Ce type d’affaire donne l’impression d’une Europe qui n’est pas démocratique, qui ne représente pas la volonté de ses citoyens », conclut-il.
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