AU SOMMET DE LA RÉUSSITE, le soupçon. Trop rapide pour être honnête. Après avoir remporté les titres de double champion d'Europe et double recordman du monde sur 50 et 100 m nage libre, dans le cadre des Championnats d'Europe de natation, à Eindhoven (Pays-Bas), Alain Bernard s'est vu dénoncé par le double champion du monde du 100 m nage libre Filippo Magnini, qui lui a reproché de prendre de «bonnes vitamines». L'Italien s'est rétracté, mais ses propos «scandaleux et honteux», selon l'entraîneur du Français, Franck Esposito, jettent le trouble, aggravés par l'annonce d'un traitement à la Ventoline.
Sur ce dernier point, analyse le Pr Gérard Dine (institut de biotechnologies de Troyes), «il y a d'autant moins débat que les distances incriminées concernent des sprints ou des sprints longs et que les corticoïdes ne pourraient améliorer la performance que pour des disciplines plus aérobies et endurantes». Selon le biologiste du sport, «la performance de Bernard est simplement le fruit de l'excellent compromis qu'il a réussi à réaliser entre sa puissance physico-bio-mécanique et sa technique de pénétration et de flottabilité en fluide hydrique.»
Plus simplement, résume le Pr Jean-Paul Richalet, chef du service de médecine du sport de l'hôpital Avicenne (Bobigny), «il est très baraqué, ce qui n'est pas forcément un avantage dans son sport, il a une très bonne technique adaptée à ses gros muscles et il nage très vite». Quant à émettre des interrogations sur le développement musculaire du nageur, «c'est, ajoute-t-il, ne pas connaître les programmes de musculation qui permettent d'atteindre ces développements sans aucune prise de substance illicite».
Directeur du CIMS (centre d'investigation en médecine du sport, Hôtel-Dieu, Paris), le Pr Jean-François Toussaint apporte sa caution épidémiologique au champion : «En étudiant les records à partir des performances des dix meilleurs spécialistes du moment dans une discipline, nous avons noté qu'Alain Bernard avait déjà réalisé la deuxième meilleure performance de tous les temps sur 100m en 2007. Compte tenu de sa progression personnelle et de celle qui reste à atteindre en natation, où on pourra encore gagner jusqu'à deux secondes au 100m, la performance du Français est parfaitement cohérente, à la fois par rapport à lui-même et par rapport aux épreuves qu'il a remportées.» L'appréciation du Pr Toussaint aurait été tout autre s'il s'était agi du 400 m nage libre, où les progressions d'une Laure Manaudou ne portent que sur quelques dixièmes de seconde, ou sur le 1 500 m nage libre, avec des résultats qui stagnent depuis trente ans.
Et la fameuse combinaison NASA.
Ce quitus épidémiologique ne saurait toutefois omettre la fameuse combinaison NASA. La LZR Racer de Speedo, avec ses éléments de néoprène, a équipé, rien que depuis le début de l'année, neuf nageurs et nageuses qui ont remporté ainsi vêtus des championnats du monde. Mais, commente le Pr Toussaint, «la réponse technologique ne fait qu'amplifier le dépassement des limites physiologiques». Alain Bernard, pour sa part, assure que, «même en pyjama», il aurait battu le record.
Le nageur d'Antibes a subi trois contrôles urinaires à Eindhoven, après chaque record du monde battu. Il n'y a pas de contrôles sanguins prévus par les règles actuelles, note le Dr Jean-Claude Cervetti, médecin de l'équipe de France de natation, mais, dans le cas des records du monde, l'EPO et l'hormone de croissance sont recherchées. En 2007, Alain Bernard avait subi cinq contrôles en plus des contrôles réalisés en compétition. A chaque fois négatifs. «Et si on faisait confiance à l'AFLD (Agence française de lutte contre le dopage), à la Fédération française de natation et au suivi biologique longitudinal?», demande le Pr Richalet, qui déplore qu'on soit entré dans l'ère de la suspicion systématique.
«Qu'on le déplore ou qu'on s'en félicite, le soupçon de dopage est devenu omniprésent et systématique», constate le Pr Dine, qui tire la leçon : «Il faut, préconise-t-il, étendre la traçabilité des contrôles. La transparence affichée par Alain Bernard est bienvenue, mais elle aurait été plus convaincante d'entrée de jeu plutôt qu'a posteriori .»
Les sportifs inégaux devant l'asthme d'effort
Toux, respiration sifflante, serrement thoracique, dyspnée, céphalées, douleurs abdominales ou musculaires, baisse de performance sportive, «pas en forme», tels sont les symptômes de l'asthme d'effort décrits par le Pr J. W. Fitting (chef du service de pneumologie du CHU vaudois de Lausanne). Chez les athlètes olympiques, ce sont les cyclistes qui connaissent la plus forte prévalence (50 %), devant la natation (30 %), l'aviron (25 %) et l'athlétisme (18 %). Les moins touchés sont les gymnastes (11 %), les basketteurs et les footballeurs (9 %), et les joueurs de tennis (7 %).
Les facteurs de risque varient selon les sports : pour les sports de plein air, ce sont les allergènes et les polluants, pour la natation, le chlore, pour le ski de fond, l'hyperventilation et le froid. L'asthme affecte-t-il les performances ? Apparemment non, si l'on considère les médailles décrochées aux JO de 1998 : 29 % à des champions sans asthme et 30 % à des champions asthmatiques.
L'asthme d'effort est-il dangereux ? Une étude menée aux Etats-Unis entre 1993 et 2000 montre que l'incidence atteint 0,23 décès/million de sportifs/an, soit 61 morts en huit ans (21 % au basket, 12 % en athlétisme, 10 % en gymnastique et 8 % en football américain) (Becker et al. JACI 2004 ; 113 : 264-7).
Quels traitements sont admis et interdits ? L'Agence mondiale antidopage interdit les béta 2-agonistes et autorise en inhalation salbutamol, terbutaline, salmétérol, formotérol.
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