Vers la création du système universel

Retraite : saut dans l'inconnu pour les médecins

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Publié le 19/11/2018
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Dévoilé aux partenaires sociaux mi-octobre, le cadrage du futur régime universel annonce des bouleversements d'ampleur : système public par répartition et par points qui remplacera les 42 régimes actuels de base et complémentaire (organisés par profession et par statut) ; compte unique ; âge légal à 62 ans ; financement par les cotisations sur les revenus d'activité jusqu'à 120 000 euros bruts par an.

« Un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous », a martelé Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme, devant les médecins libéraux réunis lors du colloque des 70 ans de la CARMF. « Ce slogan paraît séduisant mais l’atterrissage pourrait être difficile pour les praticiens », prévient le Dr Yves Decalf. Pour ce cardiologue, expert de la retraite à l'UNAPL, tout dépendra des paramètres retenus pour les libéraux – taux global de cotisations, part consacrée à la solidarité entre régimes...

Au cœur des inquiétudes de la profession, le basculement dans le système universel du régime complémentaire piloté par la CARMF (RCV, 44 % de la pension) et de l'ASV, au cœur du pacte conventionnel (35 % de l'allocation). Sur ces deux points majeurs, le « Monsieur Retraite » du gouvernement s'emploie à rassurer (lire ci-dessous).  

Pas de simulation

L'effort contributif des médecin libéraux est très différent de celui des salariés ou des fonctionnaires : non-participation des employeurs, assiette (revenus nets et non salaires bruts), taux dégressifs, dispositifs favorables en début d'activité (exonération). Pour les indépendants, Jean-Paul Delevoye promet des « aménagements » et la prise en compte de « spécificités ». Mais le compte y sera-t-il ?

Demain, salariés du privé et fonctionnaires devraient cotiser au même taux cible (28 % partagé entre l'assuré et l'employeur). Pour les professions libérales, il sera « adapté pour ne pas bouleverser leurs équilibres économiques ». Cette zone grise inquiète car le taux cumulé de cotisation (base, complémentaire, ASV) est très variable chez les médecins (35 %, 25 %, 22 %, 19 %, 16 %) selon les revenus et le secteur d'exercice.. « Mes simulations montrent un impact sur les pensions à la baisse. Dommage que l’on ait eu aucune simulation officielle », regrette le Dr Decalf. 

Une autre inquiétude majeure porte sur les réserves de 7 milliards d'euros patiemment constituées par la CARMF. Le financement du système universel jusqu'à trois PASS (120 000 euros) englobera 65 % des médecins cotisants (pour 94 % des cotisations) et signifie de facto la fin de cette caisse septuagénaire autonome. Quelle gouvernance demain ? Les médecins vont-ils payer pour des régimes piètres gestionnaires ? « On avait fait ces réserves pour préparer l’avenir, avance le Dr Decalf. On aurait préféré que cela serve aux libéraux pour augmenter les pensions ou baisser les cotisations ».

Le Dr Thierry Lardenois, président réélu de la CARMF, ne mâche pas ses mots : l'option d'un système universel à trois plafonds de la Sécu est « un tour de passe-passe pour transformer une dette fiscale en dette sociale ». Cette solution permet en effet d'intégrer les fonctionnaires, les régimes spéciaux et « la dette qui va avec », tacle le généraliste qui parle de « catastrophe »... tout en soutenant le principe d'un régime universel.

 

 

 

 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin: 9703